Les organisateurs n'ont pour l'heure reçu aucun avis officiel portant interdiction ou autorisation. La «minute de silence» décrétée pour marquer la solidarité des Algériens avec le peuple irakien est restée en travers de la gorge de tous ceux qui ont peur de la colère de la rue. D'autres actions ont alors été programmées pour laver cet affront et rappeler que la classe politique algérienne n'est ni anesthésiée ni tétanisée. Même si la marche des parlementaires organisée hier par les trois formations que sont le MSP, le MRN et le PT, a été interdite et n'a drainé qu'à peine une cinquantaine de représentants du peuple, d'autres actions sont prévues dans les prochains jours. On parle déjà d'une autre marche pour jeudi prochain, organisée par les mêmes partis (PT, MSP, MRN). Cette énième tentative sera-t-elle également annulée? Les organisateurs n'ont pour l'heure reçu aucun avis officiel portant interdiction ou autorisation. Le Chef du gouvernement lui-même a rencontré les partis représentés au Parlement pour débattre de cette question et trouver le moyen de contourner l'interdiction des marches dans la capitale. Le terrain d'entente est que les marches seront tolérées dans toutes les localités d'Algérie, sauf dans la capitale, où les manifestations se dérouleront dans des salles fermées. C'est donc une très bonne chose que la classe politique algérienne exerce des pressions pour marquer sa présence, et dire sa condamnation du déluge de bombes et de feu qui s'abat sur la population irakienne et ses infrastructures. «Ici le sang remplace les mots», écrit Djamel Amrani dans son recueil de poésie oeuvres choisies tout récemment édité par l'Anep. Alors que le monde entier assiste en direct à un massacre programmé et annoncé en grande pompe, on peut dire que quoi qu'en pensent les propagandistes alliés, il n'y a jamais de guerre propre depuis que la terre existe. Celle qui se déroule actuellement en Irak, pas plus que les autres, sauf qu'elle prétend à la précision et à la frappe chirurgicale qui font des victimes innocentes par centaines dans les dommages collatéraux. Hormis que ces envahisseurs se présentent en «libérateurs» et en «sauveurs», sous le prétexte d'imposer la démocratie à un peuple dont la civilisation remonte à l'âge d'or de Babylone, comme si la démocratie pouvait se décréter. On dit qu'échaudés par une dizaine d'années de terrorisme, les Algériens sont devenus imperméables à la douleur des autres. Ce n'est qu'une apparence. On doit toujours se méfier de l'eau qui dort. Il n'y a peut-être pas de grandes démonstrations dans les rues, mais on n'a qu'à faire un tour en ville, discuter avec les gens dans les foyers, dans les cafés, en taxi, pour se rendre compte qu'ils ne sont pas du tout indifférents, et qu'ils suivent l'actualité du front avec intérêt et inquiétude. Mais surtout ils ne sont pas dupes. Ils voient bien que contrairement à ce qui s'était passé en 1991, où les coalisés, sous le mandat de l'ONU, s'étaient donné pour mission de libérer un Koweït occupé, cette situation est diamétralement opposée. L'agresseur a vraiment changé de camp. L'Irak est dans son bon droit. La légitimité est de son côté. Cela, tout le monde le sait, les Algériens autant que les autres. Bien que minoritaires à l'Assemblée nationale, les partis - le MRN, le PT et le MSP- qui ont essayé de sortir la classe politique de sa léthargie, ont gardé le cap sur une obligation de solidarité qui tarde certes à se manifester, mais n'en sera que plus spectaculaire, tant l'Algérien est comme un volcan. Ses réveils sont toujours héroïques et violents. Le ministre de l'Intérieur, qui se considère comme le gardien de l'ordre public, a maintenant conscience qu'on ne peut longtemps réprimer la colère populaire. A force de fermer le couvercle de la cocotte, elle finit par exploser. L'enlisement vers lequel semble s'acheminer l'armée des alliés américano-britanniques peut être un facteur de mobilisation partout dans le monde et en Algérie de façon particulière. Le Chef du gouvernement Ali Benflis, qui a présidé un congrès du FLN revigoré par ses derniers scores électoraux, a lui-même pris le pouls du soutien indéfectible des Algériens au peuple d'Irak. Dans son discours d'ouverture, il n'avait pas hésité à consacrer un chapitre aux préparatifs de guerre en Irak et ce, avant le déclenchement des hostilités. Dans ses résolutions finales, le congrès a programmé des manifestations de soutien à l'échelle nationale. Si les organisations de masse et les syndicats se joignent à ces actions, le trio constitué par le MSP, le MRN et le PT ne restera pas longtemps seul, d'autant plus que la formation de cheikh Nahnah fait partie de la coalition gouvernementale et que celui-ci a tenu à honorer de sa présence les travaux du congrès du FLN.