Les forces américaines rencontrent toujours une vive résistance dans leur progression, également ralentie par une forte tempête de sable. Sale temps pour George W.Bush. Sa guerre éclair en Irak tourne au cauchemar, à la Bérézina. C'est le syndrome de Stalingrad, qui avait vu les armées d'Hitler s'enliser dans les neiges durant la Seconde Guerre mondiale, et qui fut le début de la fin pour le führer. A défaut de neige, c'est dans les vents de sable et la chaleur moyen-orientale que les troupes alliées risquent de devoir affronter. Déjà le coût financier de cette guerre annoncée doit être revu à la hausse, et Bush n'hésite pas à demander à son Congrès une rallonge de 74 milliards de dollars. Venant juste après la guerre en Afghanistan, qui avait obligé les contribuables américains à mettre la main à la poche, ce nouvel effort financier, que demande Bush va peser de tout son poids sur le Trésor fédéral et mettre à mal l'économie américaine. Et pourquoi tout cela? Tout simplement parce que, à force de tirer sur la corde, elle finit par casser. Pour préparer cette nouvelle guerre des sables, pompeusement baptisée «Liberté pour l'Irak», le président américain était entouré des seuls stratèges militaires. Mais la politique est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains des militaires, aurait dit Churchill. Il faut croire que la communication aussi. Considérant que la manipulation médiatique fait partie de la guerre psychologique, les stratèges militaires du Pentagone ont toujours verrouillé l'information sur les champs de bataille et les théâtres d'opération. Cela a été vrai en 1991, lors de la première guerre du Golfe, voire au lendemain des attentats du 11 septembre, où l'opinion mondiale et américaine n'a pas eu droit aux images des morts et des blessés. L'offensive américaine contre les talibans en Afghanistan a également confirmé cette gestion unilatérale des médias. Les seules images du champ de bataille qui sont autorisées sont celles filmées par les reporters de service embarqués avec les troupes alliées. Les Américains sont-ils grisés par leurs succès au point de considérer que dorénavant ils seront partout accueillis en héros et en libérateurs, avec du lait et des dattes? La propagande assénée depuis 12 ans dans les médias occidentaux pour présenter Saddam Hocine comme un dictateur honni de son peuple a fini par se retourner contre ses propres concepteurs. En d'autres termes, les officines US ont fait dans l'autosuggestion. Elles se sont elles-mêmes autoconvaincues que les Irakiens attendaient leur arrivée avec la même ferveur qu'on attend le messie. Les tonnes de tracs déversées sur l'Irak pour appeler la population et l'armée à se rebeller contre le président de leur pays ont péché par trop de naïveté et de volontarisme. Qui aurait pu croire que cette Amérique qui, pendant douze ans, a affamé les enfants irakiens, sous prétexte du programme Pétrole contre nourriture, sans distinction d'ethnies, puisse aujourd'hui se présenter en libératrice et jouer sur les différences ethniques. Le couple Bush-Blair est aujourd'hui devant un choix douloureux: laisser le conflit durer plus que de raison, c'est risquer un enlisement aux conséquences incalculables. Changer de stratégie et se mettre à pilonner les villes, en montant d'un cran dans les moyens militaires utilisés, en faisant de gros dégâts parmi les populations civiles, c'est prendre le risque de perdre à jamais la partie et de s'aliéner l'opinion publique internationale. S'installer dans le durée, en organisant le siège de Bagdad et des autres villes irakiennes, en espérant obtenir la reddition en jouant sur l'usure du temps, n'est pas une meilleure solution. Là, c'est l'opinion publique américaine, échaudée par le syndrome vietnamien, qui va se retourner contre son président. Les républicains seront, à coup sûr, battus à la prochaine présidentielle, tout comme ce fut le cas pour le président Johnson, en son temps, obligé de céder son fauteuil à Nixon. On a vu ces derniers jours les Américains se chercher un bouc émissaire pour justifier leurs piètres résultats sur le terrain. Ce seront les Russes, accusés de fournir des armes et une assistance militaire aux Irakiens. Le démenti formel de Poutine est venu mettre le holà à ces accusations injustifiées. Et voilà donc les alliés obligés de se chercher une nouvelle stratégie. Nul doute que les experts du Pentagone planchent déjà sur le thème. Mais dans tous les cas de figure, le triomphalisme des premières heures n'est plus de mise. L'heure est à la défensive, sur tous les plans : militaire et médiatique. Habitués à gérer le trop-plein, les alliés vont devoir, pour une fois, gérer la pénurie et le déficit, mais surtout devoir corriger leur erreur d'appréciation. Les différences ethniques, qui caractérisent un pays comme l'Irak, ne veulent absolument pas dire que les chiites et les sunnites vont retourner leurs armes contre leurs frères de toujours pour faire plaisir aux envahisseurs.