L'après-guerre en Irak est déjà là. Les Américains se projettent dès aujourd'hui dans la prochaine campagne. Les deux chefs de guerre, le Premier ministre britannique, Tony Blair et le président américain, George W.Bush devraient se rencontrer cette semaine aux Etats-Unis. Officiellement, en plus du bilan de la présente campagne militaire lancée contre l'Irak qui sera nécessairement abordé, les deux plus hauts responsables discuteront aussi, du moins selon un haut responsable américain, «du Proche-Orient et de sa fameuse feuille de route», c'est-à-dire du règlement par étapes du conflit arabo-israélien, promis déjà en 1991 par l'Administration US. Mais des indiscrétions diplomatiques laissent entendre que l'ordre du jour de cette rencontre ne se limitera pas seulement à cela. Il comportera avant tout, comme lors de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Yalta, la codification de ce que sera l'après-guerre dans le Golfe, au Moyen-Orient et dans le reste du monde, en termes de zones d'influence et de parts de marché. Sauf que cette fois le gâteau sera partagé uniquement entre les Américains et les Britanniques, vu que ce seront eux les vainqueurs et que, de ce fait, l'ordre qu'ils préparent au reste du monde sera non seulement implacable, mais également irréversible à moins d'une autre confrontation militaire dans laquelle les deux puissances seront défaites sur le terrain. Déjà, contrairement à toutes les promesses faites à l'opposition politique irakienne avant le début des hostilités, les engagements américains s'avèrent de simples paroles en l'air ou de circonstances. Les Américains viennent de donner l'ordre aux éléments de l'opposition chiite de ne pas prendre part aux opérations militaires contre les forces du président Saddam Hussein, selon le chef de la principale organisation chiite, l'ayatollah Baqer Hakim. Cet unilatéralisme anglo-saxon par la force militaire sera, aux dires des analystes, renforcé à l'égard autant des pays que des institutions internationales multilatéralistes et à leur tête l'ONU au lendemain de la victoire militaire américaine annoncée contre l'Irak. Les premiers indices de cette volonté d'afficher désormais ces faces cachées du conflit commencent à se concrétiser dans les faits sans aucune retenue ou protestation dans le monde. Ainsi, alors que les cadavres de la résistance irakienne ne sont pas encore ensevelis dans les fosses communes, les Etats-Unis ont passé, hier, un contrat de 4,8 millions de dollars avec une société américaine (Stevedoring Services of America) pour la reconstruction du port d'Oum Qasr au sud de l'Irak. Les «appels d'offres» de ce genre portant sur la reconstruction de l'après-guerre ou sur les futures exploitations pétrolières de ce pays, qui se chiffrent en milliards de dollars au profit des majors du secteur, ne sont plus un secret pour personne. En somme, la théorie des conseillers d'une certaine ethnie incrustée dans les principaux pouvoirs occidentaux et leur relais dans le monde est en marche. Elle consiste à prendre le reste du monde pour une quantité négligeable, pour ne pas dire inutile, et ajuste par la force et les médias leurs plans en fonction de leurs seuls intérêts. Des experts indépendants de la politique étrangère américaine sont catégoriques: l'opération «Liberté pour l'Irak» sera rééditée dans les 10 ou 15 années à venir dans d'autres régions du monde. Car, selon eux, ce sont la nature et la logique même du système politique et économique américain et son fameux complexe militaro-industriel qi induisent ce besoin de faire la guerre aux autres, notamment aux pays faibles et ne possédant pas la capacité de dissuasion nucléaire pour se défendre ou décourager ces velléités de mise au pas américaines. Tout le reste n'est qu'un habillage juridico-diplomatique dans un monde régi plus par la loi de la jungle que par la prétendue civilisation ou le droit.