«Le parti est non seulement autonome, mais n'a besoin d'aucune tutelle». Un mot est apparu, a pris une importance considérable ces derniers jours. Subitement, mais aussi substantiellement! C'est le mot autonomie. Sa promotion eut lieu à l'hôtel El-Aurassi où se tenait le 8e congrès du FLN le mois dernier. Prononcé par Ali Benflis, il eut pour conséquence immédiate de se répandre comme une traînée de poudre, mais aussi comme un révélateur pour des centaines de congressistes qui ont soudain compris que de la qualité de leur participation au congrès dépendrait toute une série d'objectifs à atteindre. «Le parti du FLN est non seulement autonome, mais n'a besoin d'aucune tutelle». C'est en substance ce qui a été dit par le secrétaire général du parti à l'ouverture du 8e congrès et plusieurs fois répété en diverses occasions. Mais que suppose l'autonomie d'un parti politique quand on connaît les «déviances» qui ont marqué l'itinéraire du FLN lorsque, censé partager durant de longues années le «pouvoir» avec l'armée après le 19 juin 1965, il fut contraint de payer le prix fort après les émeutes du 5 octobre 1988 en attirant sur lui toutes les récriminations de la rue. L'histoire du FLN, depuis le combat libérateur à nos jours, n'a été épargnée ni par les vicissitudes ni par les fausses interprétations. Vue sous un certain angle, elle ressemble, les excès en moins, à l'histoire de la Révolution de 1789 en France qui, au-delà du fait qu'elle fut la première à édicter les principes des droits de l'homme et du citoyen, dut se contraindre à épouser les fluctuations de l'histoire des hommes qui, comme chacun le sait, obéit à une dynamique interne, elle-même conditionnée par les intérêts particuliers. Il faut croire que le FLN n'a pas échappé à cette règle universelle qui, tout en encourageant les nouvelles idées à assumer leur imprégnation sociale et les populations à reprendre conscience et à se ressaisir de leur destin, peut, sous la poussée de forces centrifuges, adopter des positions dans lesquelles la société ne se reconnaît pas. Le FLN a connu une série de phases de ce genre à travers lesquelles divers clans se disputaient la suprématie du pouvoir, pour perdurer dans la rente qu'il leur procurait en tant que parti partageant théoriquement le pouvoir avec l'armée. D'où leur refus de la démocratie car sachant pertinemment que cette dernière s'est toujours illustrée en éloignant de ses pratiques la rente et la cohorte de rentiers qui en bénéficient. Il va sans dire que cet aspect des choses n'a pas échappé au peuple, comme on dit. Comme ne lui ont pas échappé les contradictions que le FLN n'a cessé de sécréter depuis sa naissance. Grâce au mot autonomie dont l'usage est désormais entré dans les moeurs du parti du FLN, la question des échéances électorales ne devrait souffrir aucune ambiguïté. Le FLN, faut-il le rappeler, présentera son candidat à la présidentielle de 2004, lors d'un congrès extraordinaire dont l'échéance, croit-on savoir, aura lieu ou bien à la fin de l'année 2003 ou encore dans les tout premiers jours du premier trimestre de l'année prochaine. En attendant que ces échéances arrivent et sans recourir ni à la métaphysique ni à la sophrologie, le seul sens qui convient au terme prononcé par Ali Benflis, et qui est en train de faire recette, devrait être perçu dans le sens d'indépendance. Enfin indépendant, le parti FLN a été libéré, comme on s'y attendait, de ses propres contradictions par une profonde décantation que les différents clans engagés dans la course au pouvoir, usés par le temps, ont fini par accepter à leur corps défendant. Aujourd'hui être membre du FLN ne signifie plus à quel clan tu appartiens, mais quel type de relation tu vas entretenir en tant que militant du FLN avec la société que tu vas servir. Le fait d'avoir regagné son autonomie, son indépendance en un mot vis-à-vis de l'Etat et de ses institutions qu'il ne cessera cependant jamais de défendre, le FLN est redevenu le premier parti national qui a osé rompre avec les pratiques du passé. Que se renouvellent les ruptures de ce genre pour permettre à la démocratie de ne plus souffrir de non-sens.