Deux jours de débats à Saint-Pétersbourg pour n'arriver qu'à une réaffirmation des positions déjà connues. On s'attendait à du nouveau, mais les deux chefs d'Etat russe et français, en compagnie du chancelier allemand, n'ont pas haussé le ton pour faire pencher la balance. Les USA, de leurs côtés, n'attendaient rien de ce rendez-vous. Saint-Pétersbourg, ville natale de Poutine, a accueilli les trois présidents qui ont refusé de cautionner l'intervention américano-britannique en Irak, pour débattre du sort de ce pays après-guerre. En effet, l'enjeu est trop grand vu les gros intérêts et les relations qu'entretiennent ces capitales avec le régime de Saddam Hussein. La dette envers ce pays culmine à 20 milliards de dollars US, à parts quasi égales entre ces trois nations. La question aujourd'hui, est de savoir qui est habilité à rembourser les prêts contractés. En effet, les deux points soulevés et discutés lors de ce sommet portent sur le rôle de l'ONU dans la reconstruction de l'Irak d'une part et la sécurité du citoyen, livré aux hordes sauvages, au lynchage...d'autre part. L'intervention de l'Organisation universelle en Irak doit être primordiale et directe, ont souligné les conférenciers. Cette attitude a fortement irrité les USA qui ont réagi immédiatement. Colin Powell a réaffirmé que «l'ONU n'aura qu'un rôle humanitaire. Les trois pays réunis à Saint-Pétersbourg auront droit à la reconstruction de l'Irak, s'ils décident d'abandonner les dettes contractées par ce pays». Pour les Américains, la question est vite tranchée contrairement à ces trois nations qui ont disséqué les propos du secrétaire d'Etat en les assimilant à une forme de «chantage». Par ailleurs, il est à relever que les coalisés n'ont pas perdu de temps. Neuf entreprises américaines ont déjà été sélectionnées pour rejoindre l'Irak et entamer les travaux. Les intérêts et les dividendes accumulés par ces entreprises rejoindront les coffres US. La guerre menée par les coalisés, et c'est ce que redoutent les populations irakiennes, ne vise pas uniquement la chute de la dictature. Elle est menée sous la pression de trusts et firmes qui voient l'Irak comme une source pour faire fructifier leurs capitaux et accroître l'accumulation de leurs intérêts. L'autre volet soulevé à Saint-Pétersbourg touche à la sécurité du citoyen irakien et à la sauvegarde du patrimoine. Les USA, habiles dans ce genre de manoeuvres, ont permis à la population de ce pays de recourir à des vendettas, mais aussi au pillage du patrimoine. Ni le musée national, considéré comme patrimoine universel, ni les archives nationales, ni les palais, les boutiques privées, les hôpitaux... n'ont été épargnés par la population. Cette dernière, longtemps ignorée par le pouvoir, a décidé de rattraper le temps perdu. Une anarchie totale règne à Mossoul, Bagdad...où les forces de l'ordre ont quitté les lieux. Ces grands centres urbains nous rappellent la trame du film Rome, ville ouverte de Visconti. Dans ce contexte d'après-guerre où l'Etat n'existe plus, les présidents français et russe avec le chancelier allemand ont tiré la sonnette d'alarme. Ils rappellent aux coalisés l'application de la Convention de Genève dans ses articles portant «protection du citoyen et des biens». Les USA ont répondu à cette préoccupation. Le secrétaire d'Etat américain à la Défense a donné l'ordre aux troupes armées de mettre fin à cette anarchie. Les GI ont toute latitude pour assurer l'ordre, préserver les libertés du citoyen et protéger les biens publics. Ce rôle, dévolu aux armées, n'est pas chose aisée. En attendant la mise en place de structures de gestion et de décisions proprement irakiennes, les observateurs notent que l'Irak traversera une période difficile où les règlements de comptes deviendront une banalité quotidienne. C'est cette atmosphère de déliquescence de la société que redoutent les coalisés. Les exemples sont légion dans ce pays déchiré. Les chaînes de TV du monde entier ne manquent pas de montrer des images ahurissantes et que la conscience réprouve de vengeance qui ne dit pas son nom. Pour les coalisés, ces scènes d'horreur sont tout à fait légitimes. Après trois décennies de despotisme, de muselage et d'asservissement, les sentiments de révolte ne peuvent être contrôlés. Tout semble naturel pour les coalisés qui assistent à des scènes des plus inhumaines et des plus barbares. Pour eux, l'essentiel est de voir la situation pourrir pour enfin être sollicités à remettre l'ordre. Notons enfin, que l'opposition irakienne dont la réunion devait se dérouler hier à Basra a été ajournée. Le rendez-vous est fixé pour mardi. Les coalisés ont préféré tempérer pour mettre à jour le programme à débattre et les moyens qui seront mis en oeuvre pour que l'Irak retrouve sa stabilité et sa place dans le concert des nations.