Plusieurs indices font croire que tout a été cousu de fil blanc. La mosquée de Paris a «essuyé une défaite historique malgré une importante population d'origine algérienne dans les régions concernées par le scrutin», a estimé Abderramane Dahmane président de la «coordination des musulmans»: l'élection du premier Conseil français du culte musulman (Cfcm), qui s'est terminé hier, a été marqué par le recul de la représentativité algérienne en faveur du Maroc. «Ce revers» algérien appelle en effet à des interrogations en ce sens qu'il s'agit avant tout des intérêts de l'Algérie. Que reste-t-il de la symbolique de la mosquée de Paris inaugurée en 1923 en signe de reconnaissance aux tirailleurs algériens? Cette dernière subit de plus en plus la désaffection de la communauté algérienne. Quel est le rôle joué par les personnes chargées de représenter et de défendre les intérêts algériens en France, notamment le personnel de l'ambassade? Comment sont gérés les fonds alloués par le ministère des Affaires religieuses pour le culte en France (50 millions de dinars alloués à la mosquée de Paris et 700 millions à la mosquée de Lille)? Comment sont gérés le hallal et la zakat? Le budget du ministère des Affaires religieuses n'est-il pas suffisant? A ce stade de «pourrissement», il est inconcevable de laisser perpétuer ce genre de pratiques qui ont tant nui à l'image et à l'économie du pays. Aussi, l'impératif de définir les responsabilités s'avère-t-il une nécessité. Les listes présentées ou soutenues par la Fédération nationale des musulmans de France, proche du Maroc (Fnmf) sont arrivées en tête dans les régions Ile-de-France ouest (région parisienne), Centre et Corse, les «listes d'union» de l'Uoif ont raflé la mise en Aquitaine et en Limousin (Sud-ouest). En Alsace (Est), où l'immigration turque est importante, la Ditib (proche du gouvernement d'Ankara) alliée à la grande mosquée locale d'Abdallah Boussouf (d'origine marocaine) a devancé de peu la «liste de l'union» constituée par l'Uoif et le Milli-Gorus (plus fondamentaliste) et menée par Abdallah Thomas Milcent. Le score des listes soutenues par la mosquée de Paris, qui n'était pas présent partout, ont été modestes. L'Uoif, la Fnmf, et la mosquée de Paris se partageront les trois quarts des sièges au conseil d'administration du Cfcm, ne laissant que des miettes aux listes «indépendantes». Ces tractations ont laissé peu de place aux listes indépendantes. Tout porte à croire que le scénario a été cousu de fil blanc avec une large assistance du ministre de l'Intérieur français Nicolas Sarkozy. En Ile-de-France centre, la liste conduite par l'imam Dhaou Meskine a porté plainte en référé contre son invalidation. A Toulouse, une coordination d'associations menée par un autre imam, Mamadou Dafé, critique la constitution de listes «sur des bases ethniques et non de compétence». Les imams regroupés dans le Conseil des imams craignent aussi que le futur Cfcm rogne leur indépendance religieuse. Le futur Cfcm est également contesté par l'Union des jeunes musulmans (UJM) qui estime que les jeunes «ne sont pas représentés par ce conseil, comme ne le sont pas les Français convertis (...)». «On a imposé à la communauté musulmane un président sans élection, deux vice-présidents sans élection et enfin 35% de la future assemblée toujours sans élection. Où est la démocratie?», s'est indigné Zinedine Berrima, porte-parole de l'Uam-93. «Aurait-on importé les méthodes totalitaires de certains pays du tiers-monde pour les mettre à l'ordre du jour pour la communauté musulmane de France?», s'est-il encore interrogé. «Le caractère peu démocratique et la faible légitimité», qui ont entaché des élections, a été également dénoncé par plusieurs personnalités influentes au sein de la communauté musulmane algérienne en France. Le taux de participation, jugé important par les milieux français, (86,92%) est loin de refléter la réalité du terrain. Ces personnalités ayant requis l'anonymat précisent en effet que le scrutin n'a concerné que 20% des 995 lieux de culte inscrits, les autres régions (soit 3.252 électeurs pour 796 lieux de culte). Signalons enfin que le congrès national de cette nouvelle organisation sera organisé fin 2003-début 2004.