La donne israélienne risque de brouiller définitivement les cartes dans la région. Le fameux sommet de l'opposition, ramenée dans les bagages des marines et transformée en pouvoir pour la circonstance, s'est achevé, mardi, très tard dans la soirée, sur de bien curieuses résolutions. Tout en insistant sur la nécessité de bâtir un Etat démocratique, n'excluant aucune composante de la société, ces délégués, dont certains ne parlent pas un seul mot d'arabe alors que d'autres ont été façonnés de toutes pièces, ont également indiqué dans le point numéro dix que «le parti Baâth doit être dissous et ses effets sur la société éliminés». Une pratique pareille n'a rien de démocratique certes, mais elle rejoint parfaitement les «besoins» américains qui tranchent nettement avec leurs actes sur le terrain. Alors que Donald Rumsfeld rappelait encore hier que le peuple irakien devait décider tout seul de son destin, la campagne systématique d'éradication continue de détruire tout ce qui symbolise le parti Baâth sans que le peuple ait été consulté. Pourtant, et chacun doit en être convaincu, à commencer par les Américains et les Israéliens eux-mêmes, le parti Baâth, dans ses principes fondateurs et dans ses statuts, n'est pas un parti fasciste. S'il a été manipulé jusqu'à un certain point par des gens assoiffés de pouvoir, ce n'est pas une raison suffisante pour le dissoudre, l'éradiquer, d'autorité. Quand bien même cela devrait être le cas, il appartient au peuple irakien et à lui seul de prendre cette décision historique. Une décision d'autant plus grave qu'elle rend un peu plus précise la menace qui pèse sur la Syrie, elle aussi gérée par le parti Baâth, créé par le Syrien Michel Aflak au milieu du siècle dernier. Beaucoup de partis, anciennement seuls au pouvoir, se sont adaptés à la démocratie et au partage du pouvoir. Moderne et d'essence révolutionnaire, ce concept datant des années 40, est à même de s'adapter très facilement aux nouvelles «exigences» du moment. Cela est d'autant plus vrai que dans ses statuts datés des années 50 prônait une «démocratie pluraliste basée sur des élections libres». Ce parti, prônant le panarabisme, est d'essence laïque ce qui aurait dû constituer un atout en sa faveur dans les «croisades» des Américains dans la région du Golfe. A moins que sa doctrine socialiste, qui déplaît aux Américains plus encore que l'islamisme, n'ait pesé plus lourd encore sur la balance. Dans tous les cas de figure, il ne fait pas de doute, comme l'indiquent les comptes-rendus de presse, que les Irakiens ne s'intéressent pas du tout aux activités des représentants de «l'opposition», loin de les représenter. En revanche, ils souhaitent un minimum de liberté et de démocratie, comme promis par les Américains qui tardent encore à concrétiser leurs paroles. Ils lorgnent même avec de plus en plus d'insistance du côté de Damas à qui il est demandé, sur exigence israélienne, de retirer ses troupes stationnées au Liban. Une demande qui rendrait extrêmement vulnérable un petit pays comme le Liban. Cette exigence paraît d'autant plus utopique, présentement, que le chef de gouvernement a remis sa démission, mardi, au président libanais. Rafik Hariri doit former un nouveau gouvernement, dit-on, plus soudé et autrement plus proche du régime baâhiste de Damas. Cette dernière, en désespoir de cause, continue de nier en bloc l'ensemble des accusations pesant sur elle telle une terrible épée de Damoclès puisque les troupes américaines et israéliennes sont littéralement à un tir de canon de leur territoire. Damas continue aussi de revendiquer l'éradication des armes non conventionnelles dans toute la région du Golfe, ce qui constitue une attaque directe contre Israël avec les lourdes conséquences pouvant en découler. L'Iran, qui a déjà indiqué qu'une attaque contre la Syrie serait un prélude à une guerre contre elle, vient d'apporter officiellement son soutien au régime de Damas par la voix de son président Mohammad Khatami. Téhéran, toutefois, refuse d'entrer en conflit avec les USA en agissant de la sorte. «Nous soutenons la Syrie, qui est en première ligne contre les sionistes dans la défense de la cause palestinienne (...) mais cela ne veut pas dire que (nos relations avec les Etats-Unis) entreront dans une phase militaire», a notamment déclaré le président iranien qui a souhaité que les menaces américaines contre la Syrie ne soient que du «bluff».