La fin de l'embargo contre l'Irak risque d'être aussi laborieuse que le déclenchement de la guerre. Alors que les hostilités militaires en Irak ne sont pas encore déclarées officiellement terminées, l'administration américaine fait des pieds et des mains pour tenter de lever le régime des sanctions et de l'embargo décrété il y a plus de 12 ans contre ce pays. Le président Bush vient en effet d'appeler à la fin de ces sanctions appliquées par l'ONU contre l'Irak au lendemain de son invasion du Koweït en 1990. «Maintenant que l'Irak a été libéré, les Nations unies devraient lever leurs sanctions contre ce pays», a-t-il réclamé dans un discours consacré autant à la future reconstruction de l'Irak, qu'à la crise économique et au chômage qui sévissent depuis de longs mois aux Etats-Unis. Un porte-parole de la Maison-Blanche a aussi indiqué, en marge de ce discours du chef de l'Exécutif américain, que les Etats-Unis allaient «dans un avenir proche» proposer une résolution au Conseil de sécurité de l'O dant la fin du programme «Pétrole contre nourriture», pour permettre à l'Irak sous occupation US de vendre librement son pétrole sur le marché mondial. Mais, d'ores et déjà, il semble que les autres membres permanents du Conseil de sécurité, (la Russie, la France et dans une moindre mesure la Chine), ne l'entendent pas de cette oreille et ne seraient pas prêts à accorder un chèque en blanc sur cette question à l'administration américaine. Ces pays, aussi intéressés que les Etats-Unis par le marché de la reconstruction de l'Irak de l'après-guerre (30 milliards de dollars) affirment publiquement qu'ils vont être très stricts, sinon très à cheval sur les principes du droit international quand il s'agira de voter les nouvelles résolutions relatives à ce dossier. Des textes qui pour être valables requièrent, de surcroît, une majorité de 9 voix. Aussi, dès à présent les observateurs prédisent que les marchandages, les tractations et les manoeuvres risquent d'être aussi laborieux et aussi tortueux que ceux qui ont prévalu lors de l'avant-guerre. D'ailleurs, dès aujourd'hui, ces puissances ont réagi à l'appel de Bush en des termes qui laissent deviner qu'ils seront intraitables sur le sujet. La Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a martelé que la levée par le Conseil de sécurité de l'ONU des sanctions «ne peut être automatique, elle exige que soient remplies les conditions inscrites dans les résolutions correspondantes du Conseil de sécurité de l'ONU à propos de l'Irak». Le chef de la diplomatie russe est encore allé plus loin dans son commentaire des propositions américaines en ajoutant: «Pour que cette décision soit prise, il est nécessaire d'établir s'il y a oui ou non des armes de destruction massive en Irak.» C'est tout dire. Autre adversaire de la vision américaine de l'après-embargo en Irak, la France dont le président Jacques Chirac vient de réaffirmer que «la levée des sanctions est un objectif auquel nous avons souscrit depuis très longtemps. Maintenant il appartient à l'ONU naturellement d'en définir les modalités». Même le secrétaire général de l'ONU, M.Kofi Annan, plaide pour ce qu'il appelle une «relation de travail» entre l'institution mondiale et les «forces occupantes» dans laquelle il n'y aurait pas de subordination de la première aux secondes. Mais les premiers signes qui viennent du terrain irakien de l'après-guerre donnent à penser que la politique du fait accompli risque de prévaloir au détriment du droit. Déjà les entreprises américaines raflent contrat sur contrat au grand bonheur de ceux qui ont pensé ce scénario de la destruction-reconstruction.