La colère monte dans les rues de Bagdad, où les discussions ne portent que sur la résistance à “l'occupant” américain, qui est loin d'être le bienvenu, à voir les commentaires sur la présence militaire US sur les lieux. “Si les Américains tiennent leurs promesses et quittent rapidement le pays, alors nous serons plus que reconnaissants envers eux. Mais s'ils ne partent pas, nous allons, avec nos familles, les combattre et les chasser”, affirme un citoyen irakien à un reporter de la presse internationale. “Nous ne resterons pas longtemps patients et nous prendrons notre destinée en mains, comme les Palestiniens”, déclare un professeur de sciences islamiques de l'université Ramadi, Salman Hussein. Le propriétaire d'une palmeraie transformée par les Américains en cimetière de chars et autres véhicules irakiens détruits, verse dans le même sens : “Je ne crois pas que la guerre soit finie. Les Américains continuent de tuer des irakiens innocents. Nous allons avoir une nouvelle guerre maintenant, comme celle qui oppose Israël et la Palestine.” Ces déclarations résument parfaitement, selon les journalistes étrangers présents sur les lieux, le sentiment des Irakiens vis-à-vis des soldats américains. Concernant le discours de George Bush annonçant la fin des combats en Irak, il est apprécié différemment par les Irakiens. “Bush peut raconter ce qu'il veut, mais pour nous la guerre n'est pas finie, c'est une nouvelle guerre de résistance à leur occupation qui commence”, affirme de son côté Faradj Talb, un ancien professeur de sciences au chômage technique depuis le début de la guerre en Irak. Vendredi, Falloudja, lieu du dernier massacre américain, a failli vivre d'autres manifestations si les religieux n'avaient pas appelé au calme. A Bagdad, plusieurs Irakiens se sont rassemblés devant l'hôtel de Palestine pour demander aux Américains de mettre fin au chaos régnant en Irak, et de leur procurer du travail. Cela montre l'impatience des Irakiens, plus particulièrement les dignitaires religieux, à voir les soldats américains quitter leur pays. Les responsables US sont conscients que l'Irak est loin d'être définitivement sécurisé. Ce sentiment est fidèlement traduit par le secrétaire d'Etat US à la défense, qui déclarait à Londres lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue britannique Geoff Hoon, “ce serait une erreur de penser que l'Irak est un environnement pleinement sécurisé, pleinement pacifié. Ce n'est pas le cas, c'est dangereux”. Donald Rumsfeld ajoutait plus loin : “il y a des personnes qui jettent des grenades dans les camps militaires, des personnes qui tirent sur d'autres personnes et ce n'est pas fini.” Les propos du patron du pentagone laissent penser qu'il est loin d'être rassuré sur la situation prévalant actuellement en Irak. Rumsfeld, tout comme Bush, insiste sur le fait que maintenant il faut poursuivre la guerre contre le terrorisme. L'administration américaine craint, apparemment, une réaction hostile qui pourrait aboutir à un soulèvement irakien armé contre la présence des soldats US, car sur le terrain, c'est le chaos total. Les Irakiens sont ulcérés par l'absence de services de base, depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Ce sentiment de frustration et de colère allant crescendo, les observateurs s'attendent à une levée de boucliers des Irakiens nullement disposés à subir la loi américaine. K. A. Un diplomate US pour gérer la reconstruction Le président George W. Bush va charger Paul Bremer, un diplomate de carrière, de diriger la reconstruction de l'Irak en tant qu'adminitrateur civil, a indiqué un responsable américain vendredi derneir. Une annonce officielle devrait être faite en début de semaine prochaine par la Maison-Blanche, selon ce responsable parlant sous le couvert de l'anonymat. Paul Bremer, 61 ans, est un conservateur spécialiste du contre-terrorisme depuis 1986 sous Ronald Reagan. La presse américaine a indiqué vendredi qu'il serait le supérieur hiérarchique de l'actuel administrateur civil de l'Irak, le général à la retraite Jay Garner. Paul Bremer, un ancien ambassadeur réputé pour sa fermeté et son franc-parler, a aussi travaillé ces dernières années pour la firme de consultants de l'ancien secrétaire d'Etat Henry Kissinger. Il avait averti du risque d'attentats catastrophiques aux Etats-Unis avant même ceux du 11 septembre 2001. Une force de stabilisation internationale Les Etats-Unis et ses partenaires au sein de la coalition formée pour renverser le régime de Saddam Hussein ont commencé à mettre en place une force internationale de stabilisation en Irak, prévoyant la division du pays en trois secteurs, chacun d'entre eux administré séparément, a déclaré un haut responsable américain vendredi dernier. Le commandement de ces secteurs ira aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne et à la Pologne, qui proposeront à d'autres pays de fournir des forces pour assurer la paix en Irak, a ajouté le responsable sous le couvert de l'anonymat. “L'idée est que cette force serait générée par une coalition sur une base volontaire”, et cela exclurait une force mandatée par l'Onu, selon le responsable. Washington appelle de ses vœux depuis plusieurs jours cette force. Le ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, a mis le plan en marche au cours d'une réunion à Londres, mercredi dernier, entre des représentants de 16 Etats, dont 10 membres de l'Otan, quatre non membres, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. La France, l'Allemagne et la Russie, qui se sont opposées à l'intervention militaire en Irak, n'ont pas été invitées à la réunion, qualifiée de “conférence initiale sur la stabilisation des opérations”.