Les regards de millions d'Algériens seront braqués aujourd'hui sur le stade de Saint-Denis, lieu de déroulement du match tant attendu. Un rendez-vous de football entre les représentants de deux nations aux relations si tumultueuses dues aux blessures d'une colonisation féroce et aux résultats d'une guerre libératrice pas encore tout à fait acceptée de l'autre côté de la Méditerranée. Cette rencontre du siècle, comme aiment à la qualifier certains, revêt ainsi un cachet bien particulier. Elle sera sans enjeu sportif. Ce ne sera pas comme en 1975 à l'occasion des Jeux méditerranéens d'Alger au cours desquels l'équipe algérienne avait dominé son homologue française par deux fois et notamment lors d'une mémorable finale achevée sur le score de 3 buts à 2 après prolongations. C'était un 6 septembre, il y a exactement 26 ans presque jour pour jour. Les données avec le match de demain ont pour le moins changé. Les équipes ont évolué de manière différente. Celle de France est maintenant championne d'Europe et du monde. Alors que l'équipe algérienne a subi une évolution tout à fait inverse, diamétralement opposée aux capacités et potentialités que recèle le pays, dans un sport où le football tient une place particulière dans le quotidien de tout un chacun. C'est pourquoi ce match n'est pas tout à fait comme les autres. Il ne peut laisser indifférent. Que vont faire les nôtres dans cette enceinte qui a vu la France gagner en 1998, la première Coupe du monde de son histoire? Résultat fantastique qui a fait sortir dans les rues de Paris des milliers de drapeaux algériens en reconnaissance aux exploits et aux origines d'un joueur d'exception, Zineddine Zidane. Zidane est devenu le joueur le plus cher au monde après son achat par le Real Madrid pour plus de 50 milliards de centimes. C'est l'enfant du pays, même s'il joue sous les couleurs françaises. Né à La Castellane quartier de Marseille, la plus algérienne des villes européennes, le 23 juin 1972, Zizou est l'idole de tous les épris du ballon rond en Algérie terre de ses ancêtres. C'est à Aguemoun, hameau haut perché à une quarantaine de kilomètres de Bejaïa que se situent ses racines. Il y est constamment présent dans l'esprit et le coeur des jeunes et des plus âgés qui suivent dans le moindre détail ses exploits et ses faits et gestes. Ses photos sont exhibées partout. Des maillots et tee-shirts à son effigie sont fièrement portés. Pour chacun de ses buts, c'est la fête au village. Pourtant sa dernière visite sur la terre de ses ancêtres remonte à 1986. Il jouait alors à Cannes dont il avait rejoint le centre de formation à l'âge de 13 ans. Nantes-Cannes, le 20 mai 1989 est son premier match officiel de DI. Il avait 17 ans moins un mois. Il quitte la ville du festival en 1992 pour Bordeaux, équipe plus huppée, au sein de laquelle il se fait remarquer. Tant et si bien que le 17 août 1994, il joue son premier match international et permet (déjà!) à la France d'arracher le nul (2-2) à la République tchèque. Pour un premier essai, c'est un coup de maître puisqu'il est l'auteur des 2 buts (85' et 87'), l'un du pied gauche, et l'autre de la tête. C'est alors le début d'une fantastique carrière. Pourtant elle a failli capoter en 1996 en Angleterre lorsque certains nostalgiques, relayés par les médias et notamment les spécialisés veulent lui faire endosser l'échec de l'équipe de France à l'Euro et son élimination en demi-finales. Il avait joué diminué en raison de séquelles d'un accident de voiture. Heureusement, il obtint immédiatement l'appui et le soutien inconditionnel d'un autre artiste du football, Michel Platini qui l'avait recommandé à la Juventus, club au sein duquel, le joueur français d'origine italienne, avait lui-même assis sa notoriété de star mondiale. Zidane jusqu'à son transfert au Real Madrid devient le roi de Turin. En 5 saisons, il joue 151 matches en série A et marque 24 buts. «J'ai voulu aller à Turin parce que je savais que c'est à la Juve, après Bordeaux qu'était mon avenir. Et bien, après toutes ces années en Italie, je veux découvrir un autre environnement, une autre planète foot, un enjeu et un challenge différents, une autre culture. Oui, je veux partir en Espagne pour les mêmes raisons qui m'ont poussé à quitter la France pour le Calcio, ce n'est pas difficile à comprendre». La pression pour ses débuts avec le Real, une équipe constellée d'étoiles est particulièrement forte. Il doit confirmer l'investissement fait en lui par une formation au sein de laquelle il marque, mais qui réalise, en ce début de saison en championnat, des résultats bien en deçà de ceux qu'elle enregistre, sans lui, en Champion's league européenne Très actif et percutant sur un terrain, il est beaucoup plus discret dans son quotidien et s'exprime rarement sur des sujets ayant trait à sa vie privée. Toutefois, il n'hésite pas à porter aide et assistance aux enfants et à ceux qui en ont besoin surtout lorsque cela concerne son pays d'origine. L'Algérie a donné au football des joueurs d'exception nés au pays ou de l'autre côté de la Méditerranée. Mustapha Dahleb a été longtemps l'un des meilleurs en Europe et au monde si l'on se réfère à ses exploits au sein de cette fantastique équipe algérienne des années 80 qui avait épaté les puristes. Ce soir, Zineddine Zidane sera la grande vedette d'un match qui n'est pas comme les autres, notamment pour lui qui a choisi une autre voie, mais qui n'oublie pas quand même qu'il est «d'origine algérienne et fier de l'être c'est pour cela que je rentrerai sur le terrain avec un petit pincement au coeur», dit celui qui sera, comme on dit, entre le marteau et l'enclume.