Ce calligraphe est l'un des rares artistes algériens à avoir eu le privilège de participeraux Nuits de la correspondance de Manosque (France), qui se sont poursuivies là-bas, du 28 au 30 septembre. Dans cette ville, près de Marseille, sur la place de l'Hôtel de ville plus précisément, chaque jour, tout au long de ces nuits animées, Hachemi est allé à la découverte de son public qui l'a suivi dans son travail en temps réel. Dans son atelier improvisé, l'artiste s'est plu à réinventer l'art d'écrire en liant le fond et les formes... Calligraphe émérite, c'est avec beaucoup de plaisir, de soin et d'attention que Hachemi s'est plié à la demande du public. Ecriture d'un autre temps servant, jadis, à transcrire un message sur des parchemins en peaux de chèvre, plus particulièrement dans les pays arabes ou d'Extrême-Orient la calligraphie a, au fil du temps et des siècles, su trouver sa place dans l'univers des arts plastiques sans pour autant faire montre d'une grande évolution ou très peu. C'est l'artiste lui-même qui a fait ce constat. «Cela me révolte!», dit-il, et d'expliquer: «La calligraphie se limite jusqu'à nos jours à l'écriture textuelle, dans la forme et dans la composition, à des pleins et des déliés, à une lecture d'un texte. Elle se limite également dans la pratique, à une seule matière utilisée: l'encre, d'où cette monotonie qui la caractérise et cet état de stagnation auquel elle est vouée», souligne avec dépit Hachemi. Ce dernier tend à insuffler à ses tableaux un cachet dûment original, à même de nous surprendre, se surprendre lui-même et se dépasser perpétuellement en ayant ainsi sans cesse recours à différents matériaux et supports. Sa technique consiste à «travailler» d'abord son support, à l'enrichir par divers produits tels que la peinture, l'encre, la gouache acrylique toutes sortes de produits chimiques... Résultat des courses: un papier au touché rugueux, plissé ou lisse, d'un aspect naturel en tout cas, à l'image du cuir ou du cuivre. Pour obtenir ce résultat, Hachemi enduit son papier (Népal) avec notamment de l'essence de racine végétale, de couleur marron qu'il ramène de Ghardaïa. Cela s'appelle «es-megh» et cela donne une encre naturelle de couleur « sienne ». Pour obtenir un effet de brillance, après dépôt du vernis, il ne lui reste plus qu'à étaler de la poudre d'or... Mokrane ne se contente pas d'acheter des pots d'encre ou de peinture au prix «fort», il ne lésine pas sur les moyens ni les astuces pour coucher sur papier ses folles idées, c'est pour ne pas tomber dans la routine, source d'ennui pour tout artiste, d'où ce souci permanent de se renouveler tout en développant la calligraphie... et de nous dévoiler son souhait le plus cher: «La calligraphie doit avoir sa place bien méritée dans les arts plastiques. Elle a le droit d'évoluer. Elle peut s'envoler, figurer sur d'autres supports et se marier avec la peinture, notamment et passer ainsi à une autre richesse plus contemporaine.» En effet, et si l'intérêt dans la calligraphie résidait plus dans la forme que dans son contenu, se donnant comme objectif à voir plutôt qu'à lire, à interpréter la forme des caractères des lettres au lieu de s'appesantir sur la lecture du texte? Ceci est en tout cas ce à quoi tend l'artiste, sa philosophie. «Je suppose une relation entre l'écriture de la calligraphie et son image. Ecrire des mots, les donner à voir avec ou sans le sens qui leur est attaché et les amener à leur plus simple expression plastique contemporaine restent, pour moi, comme de revenir à la primauté d'un geste d'enfance.» Comprendre par-là que Hachemi aime à tracer les lettres de manière spontanée tel un enfant guidé par son instinct, c'est là où le génie dépasse la raison, ou éclôt le beau. «Je travaille ma calligraphie dans l'espoir d'approcher la meilleure façon de mettre en vue une image où l'expression plastique trouve à se dire, sentir le plaisir de faire et supporter le poids qu'engendre chacune de mes expériences», ajoute l'artiste. Ce dernier, professeur de dessin au départ de 1981 à 1994, a toujours été passionné par tout ce qui touchait de près ou de loin, à la calligraphie et à l'art en général. De 1989 à 1994, il est graphiste au Centre culturel français d'Alger. En 1985, Hachemi part pour une année à Paris pour se former en relations humaines, pensant, sans doute, que cela allait lui servir dans ses relations avec les élèves et les gens avec lesquels il serait amené à travailler. A la fermeture du CCF, Hachemi s'envole en France et s'inscrit à l'école des Arts appliqués de Lyon où il se spécialise dans la communication visuelle. Ce sont ses deux professeurs qu'il affectionne plus particulièrement: Horacio Lo Greco, plasticien lyonnais d'origine argentine et professeur d'expression plastique ainsi que Gérard Mathie, plasticien contemporain et critique d'art, qui sont à l'origine de ce choix décisif: s'inscrire à cette école. De retour en Algérie en 1998, Hachemi enseignera la création graphique pendant une année à l'Institut des arts graphiques de Bir Mourad Raïs. Les deux calligraphes contemporains qu'il apprécie particulièrement sont Bachir Hadji et Claude Mediavilla. A partir de 2000, avec la réouverture du Centre culturel français d'Alger, Hachemi devient animateur culturel du CCF d'Alger et responsable du partenariat artistique et culturel. Cela ne l'empêche pas pour autant de s'adonner à sa passion: la calligraphie quand le temps et les circonstances lui permettent et en affûtant ses bambous, il crée les plus belles calligraphies.