La violente explosion qui a secoué hier Bagdad vient rappeler à l'occupant américain que la guerre n'est pas finie. Que cette explosion dans un dépôt de munitions soit due à un sabotage ou à un accident, il n'en reste pas moins que celle-ci a été l'occasion pour la population bagdadienne de dénoncer la présence américaine. Selon des indications de témoins sur place, la déflagration a causé la mort de six à quatorze personnes, d'autant que, selon la même source, un immeuble entier a été rasé par la force de l'explosion. Il reste qu'au moins six personnes ont été retirées des décombres alors que l'expectative est de mise quant aux causes de cette explosion qui a soufflé une partie du quartier de Zaâfaraniya à quelque quinze kilomètres de Bagdad. Pour le commandant américain, Frank McClary, il s'agit indubitablement d'un sabotage, qui indique: «Quelqu'un a tiré une fusée éclairante sur le dépôt, causant cette énorme explosion. C'est un sabotage.» C'est dire que la guerre est loin d'être «terminée» comme l'a déclaré, vendredi, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, dans une interview à une télévision lettone. La guerre, si effectivement l'explosion est le fait d'un acte de sabotage, loin d'être alors terminée, serait entrée dans une phase nouvelle, adoptant la forme de guérilla qui risque de compliquer bien les choses aux occupants américains. En tout état de cause, ce nouveau malheur a soulevé la colère des habitants de Bagdad, qui ont crié leur courroux et désespoir, en lançant des pierres contre les soldats américains. Face à cette épreuve, un dignitaire chiite a fait porter aux Américains ces «crimes contre la vie d'innocents». Au plan sécuritaire, la situation demeure confuse ; les troupes et les responsables politiques américains en Irak n'arrivent pas, vingt jours après la chute de Bagdad, à rétablir l'ordre et la sécurité et à maîtriser un tant soit peu les choses dans la capitale irakienne. Le gouverneur «civil» américain, Jay Garner, a promis, hier, que «des ministères irakiens pourraient fonctionner de nouveau la semaine prochaine». Soit, plus de six semaines depuis l'attaque du 20 mars contre l'Irak, période durant laquelle le pays a été plongé dans le chaos total, échappant de fait à toute autorité. Il est vrai que les occupants américains ont surtout concentré leurs efforts sur les recherches d'armes prohibées irakiennes. Sans succès jusqu'à l'heure actuelle. Livré à lui-même, le pays et plus singulièrement la capitale, Bagdad, vivent dans l'insécurité, du fait de la recrudescence des vols, des pilleurs et des attaques de gangs qui se sont formés à l'ombre du vide sécuritaire prévalant actuellement en Irak. Dans ce contexte, le «gouverneur» autoproclamé de Bagdad, Mohamed Zoubéidi, (non reconnu par les autorités d'occupation américaines), dans une déclaration au journal égyptien Akhbar El Youm a affirmé qu'il rétablirait «dans une ou deux semaines» l'ordre et la sécurité à Bagdad. Alors que le pays est à l'arrêt depuis le début de la guerre, Mohamed Zoubéidi, souligne que «tous les fonctionnaires vont reprendre leurs postes, les étudiants rejoindront leurs universités, les postes de police ouvriront et la justice poursuivra ses activités». Balayant d'un revers de la main le fait que le gouverneur «civil» américain ne le reconnaît pas, Zoubéidi affirme qu'il a été désigné par les dignitaires et chefs de tribus de la capitale, ce qui fait de lui un gestionnaire «démocratiquement élu». Certes, ce n'est pas ce que disent les Américains qui entendent avoir la mainmise sur tous les aspects de la vie politique, sociale et sécuritaire en Irak. Estimant que les forces américaines resteront, au moins deux ans en Irak, le président Bush répondant à une question sur la présence américaine dans ce pays affirmera: «Les gens disent que les Etats-Unis devraient partir. Nous partirons dès que nous aurons accompli notre mission». Les stratèges américains qui découvrent, au fur et à mesure, les difficultés auxquelles ils devront faire face en Irak - comme l'explosion qui ravagea hier le quartier de Zaâfaraniya - restent prudents sur la suite des événements, d'autant qu'ils savent qu'ils sont loin d'avoir été accueillis en «libérateurs».