Il ne fait aucun doute que la guerre s'est bel et bien installée dans la durée. La communauté internationale, toujours sous le choc de l'attentat-suicide qui coûta la vie à Sergio Vieira de Mello, représentant de l'ONU à Bagdad, prend conscience que la guerre en Irak n'est pas finie mais, en revanche, c'est seulement maintenant, cinq mois après la chute de Saddam Hussein, qu'elle s'est réellement enclenchée pour s'installer dans la durée. L'attentat du 19 août, qui coûta la vie à plusieurs fonctionnaires des Nations unies et en blessant des centaines d'Irakiens, vient s'ajouter à celui, tout aussi violent, commis quelques jours auparavant contre l'ambassade de Jordanie à Bagdad, avec un bilan tout aussi meurtrier de 14 morts avec plus d'une cinquantaine de blessés. De fait, depuis le 1er mai, date à laquelle le président américain, George W.Bush, annonça officiellement la fin «de la guerre», les faits ne cessent quotidiennement de le démentir avec la multiplication des attentats, des attaques au RPG, des sabotages - comme celui de la semaine dernière de l'oléoduc Kirkouk-Ceyhan - des raids isolés contre les positions des armées américaine et britannique d'occupation (la dernière en date hier avec la mort de trois soldats britanniques dans une embuscade près de Bassorah). En vérité, la coalition se trouve dans l'expectative ne réussissant à conclure aucun des projets concoctés pour l'Irak. Bien plus, la liste des morts ne cesse de s'allonger au grand dam des occupants américano-britanniques qui, à leur tour, qualifient la résistance irakienne, à l'occupation, de terrorisme. Ainsi, le président Bush dans une déclaration, vendredi à Seattle, a indiqué: «L'Irak est en train de devenir un champ de bataille continu dans la guerre contre le terrorisme», ajoutant: «Nous accueillons volontiers plus de troupes étrangères et il y aura plus de troupes étrangères en Irak.» Sous quelle autorité? Beaucoup de pays sont disponibles à envoyer des troupes en Irak, mais sous la condition sine qua non qu'elles soient sous supervision du Conseil de sécurité de l'ONU. Ce que, aussi obstinément, refusent les Américains, qui veulent bien de l'aide étrangère, mais placée sous leur seule autorité et sous le commandement de l'armée américaine. Les Etats-Unis, qui sont passés outre à l'opposition de la communauté internationale à la guerre contre l'Irak, aujourd'hui, acculés et incapables de maîtriser la situation, ont vite fait de réduire tout ce qui se passe dans ce pays à des actes terroristes comme vient encore de les qualifier le général Abizaïd, chef du commandement américain en Irak (Centcom), selon lequel, et dans la droite ligne des déclarations du président Bush: «Le problème terroriste, clairement, émerge comme la menace numéro un contre la sécurité en Irak et nous consacrons beaucoup de temps, d'énergie et de ressources pour l'identifier, le comprendre et y faire face». En maîtres des lieux, les Américains ne font pas dans la nuance et taxent tous ceux qui s'opposent à leur occupation de terroristes. Ce qui ne laisse en réalité d'autre voie qu'à la guerre et sa cohorte de morts et de violence. C'est cette violence qui, aujourd'hui, fait peur. Ainsi, l'ONU a décidé de réduire fortement sa représentation en Irak, commençant même à transférer certains de ses personnels vers la Jordanie. C'est dans ce contexte que la coordonnatrice des activités de l'ONU à Amman, Christine McNab, a déclaré vendredi dans une conférence de presse: «Nous sommes en train, en ce moment même, de réduire fortement le personnel à Bagdad», indiquant: «Trente à cinquante pour cent du personnel devaient avoir quitté Bagdad d'ici à la fin du mois.» Il ne restera, éventuellement, que le personnel, très réduit, essentiel à la marche du bureau de l'ONU dans la capitale irakienne. C'est un peu le même programme pour la Grande-Bretagne qui a décidé de mettre en branle en décidant de faire évacuer son personnel de son ambassade à Bagdad. Une source proche de l'ambassade britannique indique à cet effet: «Nous procédons à une réévaluation de la sécurité, par mesure de précaution.» En fait, c'est un peu la débandade dans les milieux de la coalition américano-britannique laquelle s'enfonce chaque jour dans une guerre qui s'annonce violente et douloureuse pour l'occupant et dont personne ne peut prédire la fin. Il est vrai que la force n'a jamais été la solution, car on n'a jamais maté la volonté des peuples par les oukases. Et le bilan négatif de l'occupation est là pour en témoigner.