Signe des temps, c'est une manifestation communiste qui a été pour la première fois autorisée à Bagdad, depuis des dizaines d'années. En effet, des groupes de femmes, d'hommes et d'enfants, portant des écharpes rouges ornées de la faucille et du marteau, ont joyeusement défilé sur la place Ferdaous, dans le centre de la capitale irakienne. «C'est la première fois depuis l'arrivée de Saddam Hussein au pouvoir en 1979 que nous pouvons ouvertement célébrer le 1er Mai à Bagdad» a, pour sa part, déclaré un responsable du Parti communiste, Seif el Khayat, récemment rentré d'un exil de plusieurs années en Syrie. Quelques Kurdes en tenue traditionnelle et des ouvriers agricoles de la ville chiite de Kerbala, s'étaient joints à eux. Mais ces manifestations de joie, après la liberté retrouvée, ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt, puisque la fête a été gâchée par la mort de 16 Irakiens à Falloujah, tués ces derniers jours par l'armée américaine au cours de manifestations anti-Bush, alors qu'une grenade a blessé sept GI dans la nuit de mercredi à jeudi, dans la même ville. Du reste, les suites de la guerre en Irak et l'occupation de ce pays par les forces de la coalition ont dominé la célébration du 1er Mai un peu partout dans le monde, alors que les problèmes sociaux et les effets de l'épidémie de la pneumopathie atypique ont donné un air morose et triste à cette Journée internationale du travail. L'une des rares notes gaies est venue de Nicosie où, pour la première fois depuis trente ans, plus de 2000 Chypriotes grecs et turcs ont manifesté main dans la main, à la faveur de l'ouverture de la ligne de démarcation séparant les deux parties de l'île par les autorités du Nord. En revanche en Afrique du Sud, plus exactement à Bethlehem, à 400 km au sud de Johannesburg, cinq personnes ont péri et près de 80 autres ont été portées disparues, après l'accident d'un autocar transportant des syndicalistes qui a plongé dans un plan d'eau artificiel. En Turquie, le séisme qui a ravagé la ville de Bimgol, à l'est du pays, et qui a fait 100 morts et près de 500 disparus, a endeuillé les festivités qui devaient marquer la célébration de la Fête du travail, et ce deux ans à peine après le séisme qui avait fait plus de 20.000 morts. La Turquie est assise sur une région de forte sismicité, la ville d'Istanbul étant la plus exposée. Un bref tour d'horizon aux quatre coins du monde permet de savoir que la capitale chinoise ressemblait jeudi à une ville morte, tant elle était plongée dans l'angoisse du Sras. Pendant ce temps, six travailleurs médicaux ont été élevés au rang de «travailleurs modèles» à Pékin, et ont droit aux honneurs de la presse, qui a rendu hommage à leur combat contre la pneumonie atypique touchant quelque 1500 personnes rien qu'en Chine. A Jakarta, en revanche, des milliers d'Indonésiens durement frappés par le chômage, ont exigé la démission de la présidente Megawati Sukarnoputri, accusée de rester indifférente au sort des travailleurs, et celle du ministre du Travail, Jacob Nuwa Wea. A Calcutta, des milliers de prostituées indiennes ont manifesté, en organisant une retraite aux flambeaux, contre un projet de loi leur interdisant de racoler au bord des routes et rues, après les rapports de police dénonçant le harcèlement des habitants à Calcutta et la hausse de la criminalité. Au Nigeria, le principal syndicat des travailleurs du pays a menacé de paralyser l'industrie pétrolière si la Marine met fin à la grève lancée sur des plates-formes au large du Nigeria, où sont retenues de force des dizaines de travailleurs expatriés. En Russie, des manifestations organisées sur le mode soviétique ont aligné séparément des manifestants pro et anti-Poutine. C'est ainsi que quelque 15.000 à 20.000 nostalgiques de l'ancien régime ont battu le pavé à Moscou sous un soleil printanier, agitant des drapeaux rouges, demandant la démission du gouvernement, alors que dans de nombreuses régions, les autorités ont organisé des marches favorables à Poutine. A Berlin, une centaine de personnes ont été interpellées dans la nuit de mercredi à jeudi après des heurts au cours desquels 29 policiers ont été blessés, alors même que le chancelier Gerhard Schröder a été sifflé par des militants de la confédération syndicale DGB. A Madrid, 100.000 personnes ont marché «pour l'emploi, pour la paix, contre la guerre», mais la manifestation a été perturbé, par une agression contre le chef du premier syndicat espagnol Ccoo.