Malgré l'ouverture du champ politique, nos élus sont confrontés aux ordres venus de l'administration centrale. Tout le monde se souvient de ce président d'APC d'El-Mouradia, relevé de ses fonctions. L'information, en ce temps-là, est passée inaperçue. Tous les élus sont à la merci d'une décision administrative. Ce président d'APC a été élu démocratiquement par le peuple. Il a été déchu de son poste par une personnalité activant au sein de l'administration centrale. La cause de son éviction est pourtant simple à comprendre. Cet élu du peuple reçoit chaque jour des coups de téléphone pour l'octroi d'un lot de terrain, sis au centre d'El-Biar, convoité par plusieurs personnalités. Ministres, officiers supérieurs de l'ANP, cadres de la nation, simples citoyens... veulent acquérir ce terrain. Tout ce «gratin», au-dessus de tout soupçon, a reçu une réponse positive de la part de cet élu et ce, pour un même lot de terrain. Des décisions d'attribution ont été signées par cet élu. Plus d'une vingtaine d'attributions ont été remises aux demandeurs. Cet élu a créé une situation des plus ambiguës et des plus inextricables. Il a préparé son départ. Mais a-t-il commis une faute? En effet, du point de vue réglementaire cet élu du peuple a transgressé la loi. Il est passible de poursuites judiciaires. Comme sa décision a impliqué tout le sérail politique, l'affaire a été vite étouffée. Aujourd'hui, les prérogatives de l'élu du peuple sont sujettes à une discorde entre les tenants du pouvoir exécutif. En effet, nos élus sont confrontés à l'interprétation de la loi et sont obligés de se soumettre aux injonctions du pouvoir exécutif désigné. Le ministre, le wali et le chef de daïra ont toute la latitude de remettre en cause ou de bloquer toute décision prise par l'Assemblée populaire communale. Le maire est en principe le seul représentant local élu et il est responsable devant son électorat. C'est à ce dernier que revient le pouvoir de le décharger de ses fonctions. Sa hiérarchie n'a qu'à entériner la volonté du peuple. Si cette vérité trouve sa justesse à une époque bien déterminée, aujourd'hui la situation politique et sociale a créé d'autres conditions. L'élu d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui. La confrontation sur le terrain a entraîné une nouvelle donne, le multipartisme est une réalité incontournable et cette dernière se retrouve sur le terrain de lutte pour un siège. Dans ce contexte, M.Benflis a haussé le ton. Le Chef du gouvernement, dont le parti qu'il dirige a raflé la mise durant les dernières élections locales, s'insurge contre le marasme qui bloque toute initiative de ses élus. «L'Algérie a changé. On ne peut plus prétendre gouverner le peuple avec les méthodes éculées du passé. Il est inconcevable, et d'ailleurs il demeurera ainsi, de penser un seul instant que nous puissions accepter, en tant que parti, un code communal ou de wilaya qui irait dans le sens d'un rétrécissement des prérogatives des élus. Bien au contraire, nous sommes favorables à l'élargissement de ces prérogatives», clame Benflis. Ainsi, pour le Chef du gouvernement l'asservissement dont fait l'objet l'élu du peuple de la part de l'administration centrale, ne vise que des buts électoralistes. L'élu du peuple se retrouve dans un espace réduit qui ne le conforte pas dans la réponse aux inquiétudes de l'électeur. Il n'est là que pour exécuter les ordres venus d'en haut. Contrairement au Chef du gouvernement, M.Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, évoquera, quant à lui, la crise de confiance entre le citoyen et son administration comme facteur de cette crise. Le ministre, intervenant sur les ondes de la Chaîne III, a exposé les grandes lignes de la réforme du code de la commune et de la wilaya. «Les objectifs de cette réforme sont d'adapter les dispositions légales au multipartisme, clarifier les relations entre les élus et l'administration et garantir plus de transparence dans la gestion locale en impliquant le mouvement associatif». Le ministre a également insisté sur «l'importance de la formation du personnel des administrations locales, une manière, selon lui, de cadrer les pouvoirs discrétionnaires dans la désignation de ces fonctionnaires; Le tout dans l'effort global d'aller vers la décentralisation prônée par le rapport Sbih». Dans cet ordre d'idées, la question que le citoyen se pose est: «A quoi serviraient les élections?». Cette politique, suivie par le ministère de l'Intérieur, n'est, en fait, que l'étouffement de toute initiative démocratique. La centralisation et la concentration de la prise de décision reviennent à grands pas. Tout sera «verrouillé» à l'avenir et ce sont les forces démocratiques qui vont en pâtir.