Tous les métiers du monde, du moins ceux de l´artisanat, obéissent tous à des règles bien précieuses. Les techniques sont plus ou moins immuables et la facture de l´objet obéit toujours à une déontologie que les us et coutumes transforment en une tradition qui est respectée par tous de la même façon. S´il y a un métier qui devient difficile à définir, c´est bien celui de journaliste. De tout temps, le journaliste (en d´autres temps, le chroniqueur) rapporte aux lecteurs éventuels, les faits tels qu´il les a vécus, observés ou tels qu´on les lui a rapportés. Evidemment, l´interprétation de ces faits est toujours teintée de la sympathie ou de l´aversion que ressent l´auteur de l´article. Sa culture, son éducation, son engagement politique influent fortement sur la présentation de l´article. Dans les pays démocratiques, la pratique du journalisme se fait très librement. Le reporter se transforme en enquêteur: c´est un détective qui traque l´événement et va extirper ses conclusions dans les fins fonds des affaires les plus obscures. C´est le cas du journalisme tel qu´il est pratiqué par Le Canard enchaîné ou le Washington Post à l´époque du Watergate. Les reportages débouchent souvent sur des scandales où les masques tombent: le président démissionne ou le député est mis en examen. Il faut dire que dans la démocratie, les feux de l´actualité sont souvent braqués sur ce qui ne va pas. Pour ce qui va, pas besoin de le savoir. Dans les pays à régime dictatorial, c´est le contraire, défense est faite aux journalistes de mettre leur nez dans les affaires qui ne sont pas claires. La presse est tenue de ne rapporter que ce qui arrange le pouvoir. Dès que le journaliste ose mettre le doigt là où ça fait mal au citoyen, l´appareil répressif est mis en branle pour ramener l´audacieux redresseur de torts à la raison: la police, la justice et le fisc sont mobilisés à cet effet. Quelquefois même, c´est le terrorisme qui met fin à une carrière brillante. Durant la guerre contre l´Irak, la presse américaine a été unanime à soutenir Bush dans sa croisade. Les caméras ont montré l´humiliation des prisonniers irakiens sans que pour cela personne ne trouve à redire. Mais quand El Jazeera a montré des prisonniers américains, l´éthique et la déontologie ont été brandies par l´administration américaine. Ainsi, de nombreux journalistes ont payé de leur vie leur témoignage, en Afghanistan, en Irak, en Palestine ou ailleurs. Colin Powell vient de brandir une menace non voilée (sic) contre la chaîne qatarie El Jazeera parce qu´elle diffuse les messages des organisations de résistance irakiennes ou du réseau d´Al Qaîda. Va-t-on vers une presse unilatérale? Un seul son de cloche au bénéfice du plus fort? La vérité fait-elle peur à ce point à ceux qui ont proféré le plus grand mensonge du siècle?