Si personne n´est arrivé à retrouver les disparus, ou tout au moins à donner une idée approximative de l´endroit où ils pourraient être enterrés ou détenus, c´est que sans doute on s´y est mal pris. Outre que pour les familles, qui n´arrivent pas à faire le deuil pour certaines ou continuent d´espérer un signal qui prouverait que le cher disparu est toujours en vie pour d´autres, ces recherches sont devenues à la fois douloureuses et harassantes, cette question est aussi au centre d´une polémique politique qui place les autorités algériennes sur la sellette, d´autant plus qu´elle est saisie par les ligues des droits de l´homme et les ONG. On ne peut pas détacher la question des disparus de tous les autres épisodes de la décennie sanglante: les assassinats ciblés ou collectifs, les enlèvements, les viols, les destructions des infrastructures sociales, économiques ou éducatives, d´autant plus que les chiffres avancés sont en eux-mêmes éloquents, puisqu´ils portent sur plus de sept mille cas recensés par les associations. Chargé de mener une enquête aussi minutieuse que complète par le président de la République, M.Farouk Ksentini, président de l´Observatoire consultatif des droits de l´Homme, a commencé son travail en auditionnant les repentis. Si certains sont coopératifs, d´autres au contraire ne veulent pas «se mouiller», parce que, sans doute, ils ne veulent pas être impliqués dans des assassinats. Les charniers existent, ils sont des dizaines à avoir été mis au jour aux quatre coins du pays. Mais l´identification des corps n´est pas une chose aisée. Jusqu´au jour d´aujourd´hui, on se base sur certains détails vestimentaires, une dent en or, la couleur des cheveux, une prothèse pour affirmer, avec plus ou moins de certitudes que tel cadavre est celui de tel ou tel. Mais, avec le temps, les corps entrent en décomposition, les effets vestimentaires aussi, ce qui rend plus difficiles les efforts d´identification. Face à ces défis, l´Algérie s´est dotée au cours de ces trois dernières années, de trois structures de police scientifique qui viendront pallier les carences dans le domaine. Il y eut d´abord l´Institut national de la recherche en criminalistique de la Sûreté nationale situé à Saoula. Il y eut ensuite, tout récemment, la création de l´Institut national de criminalistique et de criminologie de la gendarmerie nationale ; et puis il y a lieu également de signaler l´existence à Alger du centre africain d´études et de recherches sur le terrorisme. On ajoutera qu´à côté de la criminalistique traditionnelle (balistique, empreintes digitales, analyses physico-chimiques, informatique), les instituts de police scientifiques intègrent également tout ce qui a rapport aux sciences médicales (tout ce qui est biologique, atteintes corporelles, autopsies). C´est ce dernier segment qui fera appel aux connaissances génétiques, à partir de l´analyse de l´ADN. Qu´est-ce que l´ADN, sinon l´alphabet de tout être vivant, sa carte d´identité génétique. Comme un grand livre ouvert, l´analyse de l´ADN permet par exemple d´identifier une personne à partir d´un cheveu, d´un peu de salive, de sang, de sperme. Il permet également de déterminer la filiation de quelqu´un. On se souvient tous de l´affaire Yves Montand, dont les juges ont fait exhumer le corps pour y prélever des ADN et dire avec précision si une justiciable était sa fille. La réponse a été négative et la jeune fille en question a été déboutée. Au fil du temps, il s´est avéré que l´analyse de l´ADN est devenue un précieux auxiliaire de la justice. Incontestablement, l´Algérie vient de se doter d´un moyen moderne d´investigation. Dans l´affaire des disparus, beaucoup de choses peuvent être révélées. Il reste maintenant à savoir ce que la commission ad hoc dirigée par Farouk Ksentini et les instances judiciaires feront de cet outil. Mais ça, c´est une autre histoire.