L´homme a dû avoir besoin de chanter avant de descendre de l´arbre qui faisait de lui un singe. Et la chanson et la danse ont accompagné tous les actes de la vie de l´homme, de la naissance jusqu´à la mort. Chants de joie, chants de deuil, chants pour séduire, chants pour mobiliser, toutes les chansons sont à message. Même les peuples ou les civilisations les plus rigoristes conservent un minimum de chants religieux car le chant, en plus d´être un moyen d´expression d´une individualité, est aussi le lien qui peut renforcer la solidarité d´un groupe. Ce qui est vrai pour le chant l´est aussi pour la danse. Et dans l´art, l´intrusion de ces deux éléments est d´un enrichissement certain. Après avoir été des spectacles isolés, ils ont été vite adoptés par d´autres formes d´expression comme le théâtre et le cinéma. L´arrivée du son dans le 7e art a d´ailleurs été inaugurée par un chanteur de jazz. C´est vous dire l´importance de la chose. Arte vient encore de se distinguer en programmant, pour rendre hommage à Fred Astaire, un film culte de la série de comédies musicales que Vincente Minelli a réalisé. La comédie musicale américaine étant la deuxième mamelle du cinéma d´Hollywood, il est normal de compter parmi les participants à la réalisation d´un tel film tous les plus grands talents de l´industrie cinématographique. D´abord, le (ou les) scénariste(s) qui doit imaginer une série de séquences qui doivent s´articuler d´une manière cohérente afin de loger couplets et danses dans un espace qui ne serait pas trop décalé. Il y a ensuite, les musiciens et les paroliers qui doivent composer des chansons appropriées à l´intrigue, qu´elle soit romantique (Brigadoou) ou comique (Tous en scène). La variété des thèmes doit refléter la complexité de l´intrigue et doit être en harmonie avec les dialogues parlés. Mon plus douloureux souvenir du cinéma arabe a été celui de ces comédies musicales égyptiennes où des artistes de talent (chanteurs et danseuses) sont desservies par des scenarii des plus simplistes, où des personnages manichéens se débattent dans une société figée : le jeune homme riche est désespérément amoureux de la jeune fille pauvre qui doit exhiber ses formes aphrodisiaques à un parterre de riches vieux libidineux qui se tirent les moustaches à chaque mouvement de hanches suggestif ! La comédie musicale américaine, comme Tous en scène, échappe à cet univers malsain de stupre. Comme il se doit, pour faciliter l´évolution de l´intrigue, l´histoire se passe dans le monde du show-business : un acteur sur le déclin, excellent danseur qui avait fait jadis vibrer les foules, vient, sur l´invitation d´un couple ami, chercher un engagement chez un acteur/réalisateur dramatique très imbu de sa personne. Fred Astaire, le vieux danseur, débute avec une jeune ballerine. Tout le film est d´un rythme emporté : il vous transporte dans le fabuleux monde du music-hall. C´est un véritable raccourci, un peu caricatural de tous les obstacles qu´on peut trouver dans la réalisation d´une pièce à Broadway, du financement jusqu´à la machinerie rebelle en passant par le casting ; on peut compter le nombre de coups d´oeil donnés aux intervenants dans le complexe montage d´un spectacle où la musique, la chorégraphie et l´interprétation demandent le talent de chacun. La distribution est très riche : une fugitive apparition d´Ava Gardner, une éblouissante performance de Fred Astaire, le cabotinage d´Oscar Levant et la vision d´une Cyd Charisse aux jambes aériennes. Une biographie de Fred Astaire a suivi le film : une carrière de danse et de cinéma de 1908 à 1977. Il a fait danser les plus belles femmes à l´écran, Ginger Rogers, Judy Garland, Cyd Charisse, Leslie Caron...