De quel côté qu´on aborde la lecture du monde arabe, on fait le constat de son impuissance à se faire écouter des puissances occidentales et à faire valoir son point de vue. Il n´y a d´ailleurs pas un point de vue, mais des points de vue. Cette impuissance ne provient pas du fait que le monde arabe ne compte pas parmi ses membres des pays ayant accédé à la possession de l´arme nucléaire pour peser sur la régulation des relations internationales, mais bien du fait de la dispersion de ses rangs. Elle résulte aussi du constat de l´absence de solidarité entre ses membres lorsqu´une menace extérieure ou intérieure pèse sur un des pays arabes. Lorsque l´Algérie par exemple avait failli sombrer des suites d´une insécurité de haute intensité, les pays arabes craignaient qu´en lui apportant leur aide, ou du moins leur compréhension, ils réveilleraient leurs islamistes avec leur conviction qu´ils vivraient la même situation. Mais aujourd´hui, les pays arabes ont le sentiment qu´ils sont placés dans l´oeil du cyclone avec le projet américain de remodelage de la géopolitique dans la région. Ils pressentent leur mise sous examen et la perte de leur autonomie. Ils sont donc tous concernés, y compris par la menace terroriste, notamment depuis qu´il est avéré que les auteurs des attentats commis le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et le 11 mars 2004 en Espagne, sont des Arabes, les uns de nationalité saoudienne, les autres de nationalité marocaine, donc du Proche-Orient et du Maghreb, c´est-à-dire des sous-ensembles régionaux du monde arabe. Ils sont également concernés par les implications de l´événement douloureux survenu au Liban et pas celles des menaces proférées contre la Syrie et l´Iran, après que celles proférées contre l´Irak eurent connu leur exécution. De tout temps, l´unification des rangs arabes est perçue comme une menace. Un monde arabe qui unifierait les systèmes politiques, aurait la même perception de la menace collective qui pèserait sur tous ses pays membres, adopterait une politique extérieure commune, une politique de défense commune, qui mettrait en commun ses ressources, notamment énergétiques, devient un pole de puissance capable d´imposer ses intérêts, forcément communs. Un monde arabe qui s´intégrerait au club nucléaire deviendrait davantage une puissance dont le monde tiendra compte. Il est alors «compréhensible» que des moyens extérieurs de force (bombardement de la centrale nucléaire Osirak en 1981, bruits faits autour du réacteur nucléaire algérien de recherche civile) ainsi que des pressions diplomatiques extérieures doublées de menace soient employés pour interdire au monde arabe de disposer d´une politique de dissuasion. Il est également «explicable» le fait que les Etats-Unis garantissent la supériorité militaire opérationnelle des forces armées israéliennes ainsi que l´écart grandissant en matière de supériorité technologique associée et ce, d´autant que les Américains ont pratiquement le monopole sur la vente des armes au Proche-Orient. Il y a donc un défaut de confiance en ces pays arabes partenaires de défense des Etats-Unis par rapport à l´Etat d´Israël. Les pays arabes en ont cependant grandement conscience mais les circonstances historiques de leur écartèlement durant la guerre froide entre les deux grands blocs mondiaux ont engendré la difficulté à converger et le retard important apporté au processus de leur rapprochement.