Le vent de démocratisation n'avait pas fait escale dans certaines parties du Monde arabe. Les dirigeants arabes vont aborder ce Sommet avec la conviction qu'ils sont coupables de n'avoir pas pu se donner les moyens de leur rapprochement, sinon de s'unifier, du moins de faire converger leurs politiques extérieures pour rendre le Monde arabe moins vulnérable aux menaces et aux pressions extérieures. Alors, de quel côté qu'on aborde le Monde arabe, on y entre toujours par la conflictualité, par le constat que l'usage du concept du Monde arabe ne traduit qu'une réalité territoriale, et par l'évidence qu'il est un acteur passif et marginalisé dans la régulation des relations internationales. Le Monde arabe, en tant que destinée collective, ne s'est pas relevé encore du constat et de son impuissance à peser sur l'issue d'un conflit qui était israélo-arabe et qui a fini par la seule dimension israélo-palestinienne. Le Monde arabe est aussi traumatisé par le constat que les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et du 11 mars en Espagne, ont été commis par ses ressortissants. Dans le premier cas, les pays arabes ont suivi des trajectoires séparées mais qui commencent à se rejoindre pour la majorité d'entre eux qui raccourcissent progressivement les distances politiques qui les séparaient de l'Etat d'Israël. Dans le deuxième cas, ce sont leurs systèmes politiques et les modes de gouvernance qui sont incriminés, d'où le plan américain du remodelage de la géopolitique dans la région. Mais il y a problème. Les sociétés arabes ne sont pas homogènes. Les différences ne se traduisent pas en termes de minorités politiques, mais de minorités ethniques et même confessionnelles. Même les interprétations d'une religion commune ne sont pas homogènes, d'où leur comportement en source permanente d'instabilité, voire même d'insécurité. Le vent de démocratisation, qui avait soufflé sur le monde, n'avait pas fait une escale, même brève, dans certaines parties du Monde arabe. Même s'il avait rencontré de fortes résistances qu'il n'avait pas cependant réussi à surmonter, il avait quand même soufflé sur le Maghreb, en épargnant la Libye. Il avait continué son vol jusqu'en Jordanie, avait effleuré l'Egypte, ignoré la Syrie et l'Irak et trouvé la porte close et blindée devant les pays du Golfe (CCG) qui lui avaient signifié une fin de non-recevoir. Il se dégage alors trois sous-ensembles au sein du Monde arabe. Les cinq pays du Maghreb aspirent à une identité maghrébine, mais se sont égarés sur le chemin de l'unification de leurs rangs. Ils sont partie prenante à l'accord euroméditerranéen dont les valeurs qui doivent être partagées et à promouvoir, définissant un véritable projet politique doublé d'un projet de société. Dans le versant occidental du Bassin méditerranéen, ils rencontrent ensemble, périodiquement, les cinq pays de l'arc latin, mais en rangs dispersés. Celui qu'on nomme le groupe des «5+5» est en réalité le groupe des «1x5 + 5x1», mais progressivement, les 5x1 finiront par devenir 1x5. On constate tout de même une tendance à l'homogénéisation qui se dessine, même s'il y a encore une réticence à sauter les pieds joints dans le camp d'une réelle démocratie. L'autre sous-ensemble est celui constitué par les pays du CCG (Golfe). Celui-ci était, jusqu'à ce jour, hermétiquement fermé à la démocratisation. Par rapport aux pays du Maghreb, les pays du Golfe, réunis au sein du CCG, devraient faire une véritable révolution dans les systèmes politiques et dans les mentalités pour emprunter la voie des réformes démocratiques. Entre le Maghreb et le Golfe, il y a les autres pays dont l'Egypte, la Jordanie, la Syrie, le Liban, l'Irak qui sont en mal d'identifier le sous-ensemble auquel s'arrimer. Il en est de même pour le Soudan, la Somalie, le Tchad et même les Palestiniens.