La crédibilité de l´Etat s´évalue aussi à l´aune de la continuité des grandes politiques mises en oeuvre par les dirigeants politiques successifs. Il est bien évident que dans une situation de graves troubles qui mettent en péril les intérêts essentiels et vitaux de la nation, les démarches de sortie de violence sont au coeur de cette évaluation. Y a-t-il une continuité en la matière à travers les successions opérées au niveau de la magistrature suprême? Après les premiers attentats terroristes enregistrés en cette fin du mois de janvier 1992 et au début de février de la même année, dans un discours pathétique, feu Boudiaf annonça: «Je tends la main». Il était évident, pour la majorité des observateurs attentifs, que ce geste était à lire comme un appel à la paix, à la cessation de la violence, peut-être même à un échange du renoncement à la pratique de la violence contre le pardon. Puis Zeroual, ministre de la Défense, du HCE, rendit visite aux leaders incarcérés du FIS à la prison militaire de Blida. Le «Je tends la main» de feu Boudiaf fut suivi par la mise en oeuvre de la politique de la rahma sous la présidence d´Ali Kafi. Jusque-là, il y a une certaine continuité, ce qui prouve que l´ANP ne poursuivait nullement une politique éradicatrice, mais était tout de même dans l´obligation d´assumer une mission qui l´impliquait dans la sécurité intérieure en vertu d´une réquisition des pouvoirs publics opérée dans le cadre d´une loi votée durant le quatrième trimestre de l´année 1991. Puis l´avènement de Zeroual à la magistrature suprême suite à sa désignation par le Haut conseil de sécurité en cette journée du 31 janvier 1994 comme «président de l´Etat» donna naissance à un concept nouveau dans les discours politiques officiels, celui de «concorde». C´est ainsi que dans la circulaire présidentielle n°1 du 9 mars 1994, il recommandait à toutes les institutions d´oeuvrer à réaliser la «concorde» entre tous les Algériens. Cette circulaire prit le nom d´instruction présidentielle. Elu président de la République, Zeroual alla encore plus loin dans sa quête d´une concorde en améliorant les conditions d´incarcération des leaders du FIS pourtant dissous par leur transfert à une résidence d´Etat. Les leaders du FIS tenter par le jeu de , pensaient obtenir des compensations qui ne vinrent pas. Cependant, Ali Benhadj évoqua la possibilité d´une trêve sous condition. Une trêve a quand même fini par s´instaurer, même si on dut officiellement la qualifier d´«unilatérale». Cette trêve était en attente d´une assise juridique restée en suspens durant toute la période où Zeroual, «démissionnaire», continuait à gérer les affaires courantes. Puis vint l´avènement de Bouteflika à la magistrature suprême, porteur d´un discours de paix. «La concorde entre tous les Algériens», objectif fixé dans l´instruction de Zeroual mais pas atteint, se transforma par son prolongement en concorde civile, qui est une étape importante dans le processus de réconciliation qui avait commencé par le fameux et mémorable «Je tends la main». L´étape ultime de cette démarche continue de l´Etat est la réalisation de la «réconciliation nationale» qui viendra couronner l´amnistie générale. A la différence de ses prédécesseurs, le président Bouteflika tient à se départir de l´unilatéralisme pour conférer une couverture populaire au processus de mise en oeuvre de sa démarche.