La course au siège permanent au Conseil de sécurité va donner bien du souci au secrétaire général de l´ONU, Kofi Annan. En effet, déjà des Etats annoncent leur opposition à la promotion de tel ou tel pays à l´occasion de l´éventuelle élargissement du Conseil de sécurité. Ainsi, en est-il de la querelle sino-japonaise qui se focalise sur la candidature de Tokyo au Conseil de sécurité, réfutée par Pékin, alors que l´Argentine s´oppose à son tour à l´entrée du Brésil comme membre permanent d´un Conseil de sécurité élargi. C´est dire que le débat s´est bien enclenché autour de l´éventuel élargissement du Conseil de sécurité dans le cadre des réformes programmées des Nations unies dans l´optique de les moderniser et de les adapter à notre temps. Si la Chine, pour des raisons historiques, le lourd contentieux pendant entre Pékin et Tokyo aidant, s´oppose à l´éventuelle promotion du Japon au siège de membre permanent au Conseil de sécurité, Bueno Aires, en revanche, ne voit pas de raisons de privilégier le Brésil, un bon candidat certes, par rapport à.... l´Argentine, au Chili et encore au Mexique, l´une des puissances économiques de l´Amérique latine. Aussi, l´Argentine, pour des raisons de principes, s´oppose-t-elle à l´admission du Brésil au Conseil de sécurité des Nations unies à titre de membre permanent, comme l´a déclaré jeudi, l´ambassadeur argentin au Brésil, Juan Pablo Lohle, qui indique: «Pour nous, le Conseil de sécurité constitue déjà une discrimination que nous avons tous acceptée dans le passé au nom de la paix. Nous ne pensons pas que les pays plus privilégiés puissent améliorer sa légitimité» lors d´une conférence à laquelle assistaient des diplomates et des étudiants venus de l´Institut de Rio Branco. «Le Brésil est un bon candidat, mais pourquoi n´ont-ils pas choisi l´Argentine, le Mexique et le Chili, par exemple?», s´est interrogé M.Lohle, soulignant qu´il n´était pas équitable qu´un seul pays représente l´Amérique latine. De son côté, en visite officielle, mardi dernier, en Inde, autre pays candidat à un siège permanent, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, s´en est violemment pris au Japon, indiquant que «seul un pays qui assume la responsabilité de l´Histoire et gagne la confiance des peuples d´Asie et du monde dans son ensemble, peut avoir de plus grandes responsabilités au sein de la communauté internationale». Ainsi, Pékin, toujours traumatisé par les atrocités qui auraient été commises par l´armée impériale japonaise à Canton au début du XXe siècle, (300.000 personnes auraient été massacrées), ouvre les hostilités s´opposant de front à l´éventuelle accession du Japon à un siège permanent au Conseil de sécurité. M.Wen ne s´arrête pas là affirmant «il y a eu des protestations à grande échelle (dans plusieurs pays asiatiques selon lui) pour protester contre la tentative du Japon de devenir membre permanent du Conseil de sécurité» ajoutant: «je pense que les réponses fortes du peuple asiatique doivent susciter les réflexions profondes du gouvernement japonais». Ce n´est pas encore un veto, mais cela en a tout l´air. Ce qui risque de compliquer la compréhension de l´élargissement du Conseil de sécurité. Cela d´autant plus que l´on ne sait pas sur quels critères va se fonder l´ONU pour accepter les candidatures des postulants à un siège permanent. De fait, en l´état des choses, chacun est en droit de dire pourquoi pas moi? En effet, le Japon est une puissance économique asiatique, l´Inde en est une autre, aux plans démographique et militaire, mais le Pakistan aussi est aujourd´hui une puissance militaire possédant l´arme atomique. Aussi, l´Argentine se demande pourquoi privilégier le Brésil alors qu´il est actuellement au même niveau que beaucoup de pays latino-américains? Ce qu´indique le vice-ministre argentin des Affaires étrangères, Jorge Taiana, qui a également exprimé l´opposition de son pays à la candidature du Brésil au Conseil de sécurité, affirmant que l´organisme de sécurité pourrait devenir un «facteur d´instabilité dans la région par l´établissement d´une hégémonie qui n´existe pas aujourd´hui». La même difficulté va se poser à terme à l´Afrique ou quatre pays (Afrique du Sud, Egypte, Kenya et Nigeria) se sont d´ores et déjà portés candidats à ce fameux siège permanent. Or, le président de l´Union africaine, Oumar Alpha Konaré, a été on ne peut plus ferme lorsqu´il affirma, en mars dernier à l´occasion de la réunion à Addis Abeba de la Commission africaine, qu´il appartiendra à la seule Union africaine de choisir les représentants africains pour les deux sièges concédés à l´Afrique. D´autre part, se pose la question: les nouveaux «permanents» représentent-ils leurs pays respectifs (comme c´est le cas pour les cinq membres «historiques») ou leurs continents? La problématique est d´importance et ne semble pas avoir été résolue au niveau du secrétariat général de l´ONU qui demeure silencieux sur la question des critères qui président au choix des candidats et de leur représentativité. De fait, le problème est sérieux et le secrétariat général des Nations unies ne s´y trompe pas lorsque le chef de cabinet du secrétaire général de l´ONU, Mark Malloch-Brown, indique dans une déclaration au Financial Times de mercredi dernier, que ces «tensions révèlent un malaise central face à... un élargissement qui crée un groupe encore plus important d´Etats sans responsabilité dans leur région» Aussi, le responsable onusien estime-t-il que l´Allemagne, l´Inde, le Japon (candidats avec le Brésil au siège permanent du Conseil de sécurité) «doivent vraiment écouter leur région et leur donner l´assurance qu´ils ne vont pas se servir de leurs sièges pour régler de vieux comptes au sein de leurs régions, mais qu´ils accepteront réellement le sens d´une responsabilité envers elle». On ne peut être plus clair et les futurs membres permanents doivent se le dire. Le débat ne fait que débuter, mais déjà, apparaissent des clivages qui risquent de mettre à mal un projet d´élargissement du Conseil de sécurité qui mérite d´être un peu mieux explicité et les droits et devoirs des 191 membres des Nations unies mieux clarifiés. Il y va du crédit d´une institution qui se propose de gouverner le monde.