Il ne faudrait surtout pas plaquer la grille de lecture d´une démocratie version occidentale sur le système politique institutionnel de l´Iran. L´Iran est une République islamiste dans laquelle les attributs essentiels du pouvoir sont dévolus au guide suprême successeur de Khomeyni. La fonction de président de la République ne correspond pas au schéma institutionnel occidental. Le président de la République n´est pas non plus l´équivalent d´un chef de gouvernement dans les systèmes institutionnels de l´Espagne ou de la Grande-Bretagne par exemple. Cependant, si un Khatami ou un Rafsandjani qui a exercé déjà deux mandats pouvaient se présenter comme porteurs de nuances par rapport à la ligne dure du guide suprême, le nouveau président de la République s´inscrit dans cette ligne. Les garde-fous existent en matière législative avec le Conseil de la révolution qui contrôle la conformité à la chariaâ des lois votées par le parlement. Les réformes initiées par l´ancien président constituent, certes, certaines avancées par rapport à la ligne tracée par le guide suprême, mais cela ne doit pas être lu sous l´angle d´une avancée démocratique, démocrate dans son sens universel. Mais il est bien évident que la nouvelle situation ne correspond pas aux voeux de l´Union européenne, ni des Etats-Unis, notamment sur le dossier nucléaire. Le nouveau président avait dénoncé les concessions faites en la matière par son successeur. L´Iran va donc se trouver dans le collimateur de l´Union européenne, des Etats-Unis et... d´Israël, ce dernier considérant qu´avec la normalisation en cours de l´Irak, l´ennemi stratégique devient maintenant l´Iran. Israël avait déjà regretté d´avoir laissé le Pakistan fabriquer une bombe atomique «islamique». Quant aux Etats-Unis, l´intérêt porté au pétrole iranien avait commencé en 1953 avec le coup d´Etat préparé par la CIA à l´encontre de l´ancien Premier ministre iranien, Med Mossadagh qui avait nationalisé les ressources en hydrocarbures. L´Iran du Shah Reza Pahlavi a été le premier pays musulman à avoir reconnu l´Etat d´Israël et entretenu une coopération multi-azimuts avec lui. L´arrivée de Khomeyni a provoqué la rupture des relations diplomatiques avec Israël: que va-t-il se passer maintenant? L´Iran, sous la conduite homogène du guide suprême et du président de la République, va réévaluer ses positions sur le dossier du nucléaire. Il a évalué les rapports de force. L´armée américaine est embourbée en Irak. C´est une guerre pour laquelle elle n´est pas préparée. Il serait douteux qu´elle ouvre un deuxième front autrement plus important que le front irakien. Les Etats-Unis réfléchissent à deux fois avant d´agresser l´Iran, d´autant qu´ils ne peuvent faire rechuter le régime en place que dans la double condition où ils peuvent envahir et occuper Téhéran et s´appuyer sur des opposants internes au régime. Les deux conditions ne peuvent, pour le moment, êtres satisfaites. D´autre part, l´Iran officielle a évalué ses forces. Le gouvernement irakien est majoritairement chiite ainsi que le peuple irakien qui serait perçu comme le prolongement du peuple iranien. L´Iran dispose aussi d´un appui et d´un instrument tel que le Hezbollah libanais qui peut être mis à contribution pour ouvrir un autre front. L´Iran a été encouragé par la Russie en ce qui concerne la poursuite de la coopération nucléaire. Un deuxième embourbement des Etats-Unis affaiblirait leurs capacités d´influence dans un contexte où la Russie parie sur sa propre remontée en puissance. Une agression contre l´Iran plongerait tout le régime dans le chaos avec une autre implication sur les cours du pétrole dont la hausse n´aurait pas de limites. L´Iran a donc bien des atouts de son côté et compte bien les valoriser pour renforcer sa position sur le dossier du nucléaire.