Chaque camp mène sa campagne selon les moyens dont il dispose. Ceux qui sont porteurs du «oui» ou qui incitent à voter «oui» disposent des meetings relayés par la TV. Ceux qui incitent à voter «non» ou à boycotter le référendum disposent de la presse privée pour véhiculer leur message. Quant aux groupes armés qui refusent la solution qui leur est imposée, ils mènent campagne par le biais des attentats, l´extrême violence étant le point de départ de leur stratégie. Les deux premiers camps fournissent leurs argumentations. Pourquoi il faudrait dire «oui» à la réconciliation nationale comme amorce du processus [durable] de construction de la paix. Pourquoi il faudrait dire «non» ou boycotter au nom de la connaissance de la vérité et de l´application de la justice. Ces deux camps, cependant, partagent en commun le fait qu´ils occultent complètement la prolongation de la violence alors que la menace continue à se donner les moyens de son exécution. Une photographie de la situation politique dans sa relation avec celle de la violence, dont les facteurs initiateurs et d´entretien tiennent plus des enjeux d´idéologie et de pouvoir, que des frustrations socio-économiques, ne montre pas des signes d´un apaisement généralisé des tensions, du moins pour les court et moyen terme. Peut-il en être autrement quand les élections successives, les phases de dialogue entamées, les politiques d´amnistie du temps de Bouyali, de la rahma et de la concorde civile n´ont pas suffi à éteindre les sources de la violence? Peut-il en être autrement quand on sait que le paysage politique né du pluralisme politique n´a été que le résultat de la translation, sans grande mutation, des courants politiques plus ou moins réprimés du temps de leur clandestinité et utilisés les uns contre les autres pour affaiblir l´opposition et empêcher qu´un courant n´émerge et devienne assez puissant? Peut-il en être autrement quand toutes les contradictions ont été reconduites avec la légalisation des partis qui étaient auparavant des courants? Nous avons bien des institutions élues, ce qui était pompeusement appelé «achèvement de la construction de l´édifice institutionnel» du temps de Zeroual, mais ce sont bien les forces de sécurité en jonction avec ceux qu´on nommait les «ridjaloun wakifoun» qui avaient empêché l´effondrement de ce qui restait de l´Etat sans que ces institutions élues n´aient pu réellement y contribuer. Il s´est avéré que, malgré une certaine légitimé d´ailleurs tout le temps mise en discussion, celle-ci est prise en défaut du fait que les élus ne se retrouvent pas sur le terrain de l´encadrement des populations. Ces institutions apparaissent ainsi caduques dès lors qu´elles ne sont pas devenues des éléments de la solution. Le pouvoir, selon son appellation générale, est ébranlé dans les fondements de son autorité occupée à lutter ou à juguler le terrorisme, il a perdu, pour le moment, la bataille contre l´insécurité générée par la délinquance et la criminalité organisée. Il est toujours accroché, par tradition d´ailleurs, à l´idée que le dialogue se poursuit au sein des institutions. Or ce dernier a déserté l´enceinte de celle-ci. Sur le plan extérieur, nos ambassades n´ont pas réussi encore à faire appuyer la démarche de réconciliation nationale par les chefs d´Etat occidentaux, par les ONG et par l´opinion publique internationale. Il est alors naturel de mettre en évidence un manque d´offensive diplomatique ou une argumentation inefficace, ou alors une incompétence ou un manque de conviction, ou alors une prudence stratégique. L´événement du 11 septembre a démontré que le terrorisme est divisible et que des composants de sa dimension, n´est prise en compte que celle qui met en péril les intérêts occidentaux. Cela a-t-il changé entre-temps? Le GIA et le Gspc ne sont pas encore comptabilisés comme organisations terroristes par l´Union européenne. Tout se passe comme si les Etats occidentaux attendaient la réhabilitation de l´ex-FIS pour organiser le retour vers l´Algérie de ses militants exilés devenus trop encombrants sur leurs territoires. Alors, il reste encore un chemin à parcourir, au lendemain du référendum, pour aboutir à l´instauration de la paix, certainement que le président en est pleinement conscient, lui qui parle d´un processus de paix et non d´une paix qui procéderait d´un phénomène instantané.