La classe politique européenne attend le référendum français du 29 mai sur le traité constitutionnel de l'UE avec beaucoup d'intérêt. Plus que cela, personnalités et dirigeants interviennent dans le débat hexagonal à l'invitation de leurs homologues français pour apporter leur soutien aux tenants du « oui ». Le résultat du référendum du 29 mai revêt un enjeu de poids, car si le « non » venait à l'emporter en France, pays fondateur du projet européen, son effet risquerait de faire boule de neige dans d'autres pays européens qui ont, comme la France, choisi la voie référendaire, c'est le cas des Pays-Bas, du Danemark, de la Pologne, de la République tchèque et de la Grande-Bretagne. Tel est le spectre qui est agité par les partisans du « oui ». A dix jours du référendum, l'issue du scrutin est incertaine, tandis que dans les sondages le « non » reprend une légère avance, ce qui force le camp du « oui » à durcir le ton, à « mouiller la chemise », voire à jouer la dramatisation pour rallier l'électorat indécis et montrer à ceux qui croient qu'il n'y aura pas de « plan B » au projet constitutionnel. Les partisans des deux camps agitent toutes sortes d'épouvantails. Le député UMP Alain Madelin a jugé la droite « irresponsable » de se livrer à une « campagne de trouillomètre sur l'Europe », tandis que l'ancien Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, reproche aux tenants du « non » de gauche d'avoir « caricaturé le traité », de « jouer sur les peurs, les contrevérités » et demande qu'on tienne « aux Français un langage de vérité ». Selon M. Jospin, « le oui encourage la construction européenne, un non pourrait la compromettre ». « Le non est une impasse, le oui est un levier », a-t-il affirmé. Chacun y va de ses arguments, de ses petites phrases. Un rejet du traité « affaiblirait la France et l'Europe » face à la Chine et aux Etats-Unis notamment, estiment les partisans du « oui », qu'ils soient de droite ou de gauche. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a brandi le spectre du « chaos » lors d'un meeting à Bordeaux, ajoutant que « le jour où la France vote ‘‘non'', elle descend du train, elle stoppe l'Union européenne ». Michel Barnier a également déclaré que si le « non » l'emportait, la France serait « faible » et « se priverait des moyens d'influence que (lui) donne la constitution ». Le président Chirac, le chancelier allemand Gerhard Schröder et le président polonais Aleksander Kwasniewsk, réunis jeudi à Nancy dans le cadre du sixième sommet du « Triangle de Weimar », ont lancé un appel en faveur du « oui » à la Constitution européenne. Le président Chirac a appelé les Français à « ne pas céder à la tentation du repli ». La Constitution européenne « n'est ni de gauche ni de droite », a-t-il rappelé. Et « la réponse » au référendum « n'appelle ni accord ni désaccord sur la politique du gouvernement et de sa majorité ». « On peut dire ‘‘oui'', on peut dire ‘‘non'', on peut être pour l'Europe ou on peut être contre l'Europe, mais on ne peut pas dire ‘‘on va renégocier''. On ne renégociera pas parce que nous n'aurons personne avec qui renégocier. Je tenais à le dire pour que les choses soient claires et être franc », a-t-il insisté. Jacques Chirac a aussi estimé que les Français devaient comprendre d'ici le 29 mai que la Constitution européenne « est la meilleure qu'on pouvait avoir », notamment grâce à la présence d'une « clause sociale généralisée ». « Je respecte profondément la souveraineté du peuple français, mais lorsque vous serez le 29 mai à l'heure du choix, songez à cette responsabilité », a dit le chancelier Gerhard Schröder. « Je vous demande aujourd'hui du fond du cœur de répondre “oui” à la question qui vous est posée », a-t-il ajouté. « La Pologne croit et compte sur le résultat positif du référendum français », a souligné, pour sa part, le président polonais Aleksander Kwasniewski. Une trentaine de personnalités européennes de gauche étaient invitées mercredi 18 mai au cirque d'hiver, à Paris, par le PS à un meeting, afin de défendre le projet de Constitution. « Chaque vote compte, aucun vote n'est perdu. Nous socialistes européens, nous sommes avec vous », a assuré Martin Schulz, président du groupe PSE au Parlement européen. « Il n'y a pas de Constitution parfaite et la Constitution européenne est un compromis entre les sociaux-démocrates et les libéraux », a souligné l'ancien président portugais Mario Soares. A gauche, les tenants du « non » dénoncent « un projet ultralibéral » et brandissent le spectre d'un chômage grandissant, trouvant dans le mécontentement social de nombre de Français un écho certain. Laurent Fabius affirme que les Français ont le choix entre une « Europe libérale » représentée par le « oui » et une « Europe sociale » qui « passe un vote ‘‘non'' ». La campagne officielle ouverte le 12 mai est animée par huit formations politiques. Elle prendra fin le 28 mai à minuit.