Comme je le disais ici précédemment, les recettes pour relancer le secteur audiovisuel et le sortir de la folklorisation, où essaient de le maintenir certains courants d´outremer en donnant des prix de complaisance à des oeuvres, sont loin de drainer des foules, ou d´attirer l´attention des téléspectateurs. Une fois la liberté de création admise comme pierre angulaire de toute oeuvre littéraire ou artistique (la liberté incluant un esprit critique indispensable à l´intérêt de l´oeuvre, les ouvrages laudateurs ont, comme chacun le sait, une durée de vie éphémère...), il convient d´admettre que tous les intervenants dans le processus de production d´une oeuvre de fiction doivent être formés chacun dans sa spécialité: à chacun son métier et les vaches seront bien gardées, dit le bon sens paysan. La spécialisation est la garantie d´une continuité de la production: la disparition ou l´absence d´un intervenant étant aussitôt remplacée... A la clé du processus de production d´une oeuvre de fiction, il y a bien sûr celui sans quoi rien ne se ferait: le scénariste. Comme dans le circuit hollywoodien, c´est quelqu´un qui doit déceler tout de suite l´esprit d´une oeuvre littéraire qui lui est présentée ou de l´histoire originale qui, souvent, arrive sous la forme d´un synopsis, c´est-à-dire un feuillet qui donne le squelette de l´histoire. C´est au scénariste d´ordonner les événements en les imbriquant l´un dans l´autre afin de construire une histoire vraisemblable. C´est à lui d´appliquer la règle d´or qui fait que les intrigues qui se nouent dès les premières séquences arrivent, grâce à un savant dosage de la dramaturgie, à leur apogée afin de trouver leur dénouement à la dernière séquence. Le scénariste, quand il adapte un roman, une nouvelle d´un auteur qui dispose déjà d´une oeuvre conséquente, doit saisir l´esprit de toute l´oeuvre (car comme chacun le sait, il y a des thèmes récurrents dans l´oeuvre de chaque écrivain). Il n´aura pas peur de prendre une séquence ou un épisode pêché dans une autre oeuvre pour mieux meubler le scénario qu´il édifie. L´exemple le plus célèbre est celui du cinéaste soviétique Mark Donskoï, qui, dans sa trilogie de Gorki, a inclus un épisode relaté par l´écrivain dans une autre nouvelle: cela renforce le caractère de l´oeuvre et invite, en même temps, le spectateur à élargir son horizon littéraire. Le scénariste, simple adaptateur, doit respecter les caractères des personnages créés par l´auteur: chaque geste est un trait de caractère. Mais ne dit-on pas en italien que le même mot désigne en même temps le traître et le...traducteur? En outre, le scénariste doit créer les articulations nécessaires au récit, approfondir le caractère des personnages et leur donner plus de vraisemblance en leur ajoutant maints détails qui paraîtraient insignifiants mais qui, assemblés, seront pour le personnage ou l´histoire ce que sont les harmoniques pour la note pure.