Etonnante est cette déclaration de Poul Nielsen, commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, qui a déclaré, vendredi, que les Etats-Unis «visaient le contrôle du pétrole irakien et étaient en passe de devenir membres de l'Opep». Le lobby pétrolier, représenté par le clan texan avec Dick Cheney et le reste de l'entourage du président Bush, est-il en train de marquer des points à l'échelle de la planète pour le contrôle des ressources énergétiques? Après la défaite des Talibans en Afghanistan, qui a ouvert la voie à l'exploitation du pétrole de la mer Caspienne, et la chute du régime de Saddam Hussein, rien ne semble pouvoir arrêter la machine guerrière américaine, bien servie par une diplomatie dynamique, et un milieu d'affaires qui a le vent en poupe. Au moment où il était fait docteur honoris causa dans une université américaine, le président Bush a d'ailleurs annoncé la couleur, en affirmant le désir de son administration de mettre sur pied une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et la région du Proche-Orient, en s'appuyant sur des personnalités comme l'incontournable président Egyptien, Hosni Moubarak, et le prince Abdallah d'Arabie Saoudite, qui assure la réalité du pouvoir depuis la maladie du roi Fahd. Si tel était le cas, le maintien des prix du baril à un niveau appréciable ne serait plus du domaine de l'impossible, mais bien la preuve que quelque chose est en train de se passer en marge, mais peut-être bien au coeur même de l'Opep, pour la fixation des prix. Si, en effet, comme l'affirment les Américains, sont en train de faire main basse sur les réserves mondiales de pétrole, ce n'est sûrement pas pour l'offrir en cadeau aux Européens, qui, hormis la Grande-Bretagne et l'Espagne, ne l'ont pas suivi dans la guerre contre l'Irak, et encore moins aux dragons asiatiques, dont la Chine aux appétits de plus en plus gros en matière de pétrole. Saisissant la balle au vol, le président de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le Qatariote Abdellah El Attiyah a déclaré au journal Le Monde dans son édition d'hier qu'«il y a trop de pétrole sur le marché et cela a une mauvaise influence sur les cours qui ont dramatiquement baissé». Pour lui, l'Opep va devoir réaliser de nouvelles réductions dans sa production, ajoutant que le cartel déciderait du niveau de cette réduction. La réunion de l'Opep aura lieu le 11 juin, mais déjà, le baril de brent de la mer du Nord pour livraison en juin, référence sur International Petroleum Exchange (IPE) de Londres, progressait de 7 cents à 25,35 dollars, après avoir ouvert à 24,66 USD et clôturé jeudi à 24,65. A New York, le prix du brut de référence (Light Sweet Crude) pour livraison rapprochée en juin prenait 79 cents à 27, 77 USD. Outre cette fermeté remarquable de l'Opep, il faut également reconnaître que le raffermissement des prix est également lié à la conjoncture. D'un côté, et ce n'est peut-être pas tout à fait anecdotique, des informations font état d'une rébellion des travailleurs à la raffinerie de Bassora, au sud de l'Irak, exigeant l'organisation d'élections pour pouvoir élire eux-mêmes leur directeur. Cela voudrait peut-être dire que la situation en Irak est loin d'être zen. De l'autre côté, l'augmentation des cours aurait également quelque chose à voir avec le départ en vacances aux Etats-Unis, ce qui correspondrait parfaitement à la forte consommation d'essence en saison estivale. En d'autres termes, les Etats-Unis, qui sont en train de redessiner la carte du monde, ne verraient pas d'un mauvais oeil la stabilité des cours autour de 25 dollars US rejoignant en cela la philosophie de l'Opep qui en fait son credo depuis 1999. A moins d'un coup de théâtre, c'est la seule lecture plausible qu'on peut faire pour l'instant, et cela voudrait dire aussi que les intérêts de l'Opep intègrent désormais les intérêts américains.