On a de plus en plus la nette impression qu'une partie dramatique est en train de se jouer en sous-sol. Désormais, tous les indices semblent concorder pour conforter la thèse d'un enlèvement des 31 touristes disparus dans le Sahara algérien. Les autorités allemandes, dont le sentiment d'impatience transparaît à travers leur presse, s'agitent de plus en plus et veulent une participation plus concrète aux opérations de recherche, même si le discours officiel est plus mesuré. L'hebdomadaire Focus, qui cite le ministre algérien de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, est revenu en termes critiques sur le refus d'Alger de «toute ingérence allemande» pour libérer les touristes disparus, depuis plus de soixante-dix jours. Le magazine cite «des sources des milieux sécuritaires» et rapporte cette nouvelle information, non confirmée par Alger, selon laquelle «les ravisseurs auraient demandé à négocier directement avec Berlin», ce que les autorités algériennes ont catégoriquement refusé. Il y a quelques jours, les avis étaient plus détendus, et le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne et envoyé spécial du chancelier fédéral Gerhard Schröder, M.Juergen Chrobog, avait exprimé la «satisfaction totale de l'Allemagne» vis-à-vis des efforts déployés par l'Algérie pour retrouver la trace des touristes disparus. Au terme de l'audience que lui a accordée le Président de la République, Abdelaziz Bou-teflika et des explications que lui ont données les responsables de la sécurité, Chrobog avait dit être «confiant et satisfait». Par la suite, il semble que les choses se soient accélérées dans un sens qui aurait été généré par la complexité de la situation. Il y a quinze jours, la presse allemande a parlé de son refus de voir les services spéciaux algériens donner l'assaut contre les ravisseurs par crainte de mettre les otages en danger, et disait que les officiels allemands «privilégient la solution politique». Des agents du GSG9, unité spécialisée dans la lutte contre le terrorisme, étaient venus, fin avril «pour offrir leurs conseils aux autorités algériennes», mais il semble bien que les spécificités du Grand-Sud et les turbulences qui agitent les groupes rebelles du Sahel aient été, à ce point, déterminantes pour contraindre les hommes du GSG9 à passer plus de temps à l'étude de la question. Il y a eu par la suite, la fameuse valse de nos officiels, les uns confirmant la thèse du rapt, les autres privilégiant un pesant «on n'en sait toujours rien». Mais, il semble bien aujourd'hui, et tous les indices convergent dans ce sens, qu'un enlèvement a bien eu lieu. Par qui? Pourquoi? Voilà des questions auxquelles il faudrait apporter des éléments de réponse. Pour les spécialistes de la question, deux pistes sont envisageables. Celle liée à Mokhtar Belmokhtar et l'autre à l'implication d'un groupe rebelle local, lié ou non au terrorisme et dont les contours et les objectifs ne sont pas encore connus. Si l'idée d'un GIA local, le groupe de Belmokhtar en l'occurrence, paraît séduisante ou facile «d'accès», il serait judicieux de penser aux divers groupes rebelles qui pullulent dans les régions frontalières. La disparition de six groupes de touristes sur une durée de quinze jours (19 février - 5 mars) les uns après les autres et le tri sélectif opéré (au ouristes français n'avait été ciblé et tous les disparus sont des ressortissants germanophones) donne à ces disparitions un caractère systématique. Quoi qu'il en soit, le rapt à huis clos a bel et bien été perpétré. Alors, qu'il s'agisse de négociations secrètes menées, il est tout à fait normal que cette affaire soit conduite avec la plus grande minutie. Mais aussi loin de toute équivoque. Par ailleurs, les 31 touristes disparus au Sahara algérien sont vivants et font l'objet d'une demande de rançon, écrit le magazine suisse L'Hebdo, dans sa dernière édition. «Les autorités algériennes ont reçu 3 demandes de rançon, l'une au commandement militaire de la zone sud, deux autres aux directions de la police d'Alger», déclare un «membre des services algériens», cité dans le magazine. Le prix exigé varie entre 30 et 45 millions FS (20 et 30 millions d'euros) pour les 31 otages, des Allemands, des Autrichiens et des Suisses, ajoute le journal. Toujours selon L'Hebdo, les autorités algériennes ont «parfaitement localisé» les otages, grâce à la découverte de deux véhicules des ravisseurs. Alger voulait lancer un assaut il y a 15 jours, mais le gouvernement allemand s'y est opposé, indique L'Hebdo. La ministre suisse des Affaires étrangères, Mme Micheline Calmy-Rey, a également demandé aux autorités algériennes de ne pas mettre la vie des otages en danger, ajoute le journal. Les autorités algériennes sont convaincues que les otages ont été enlevés par des bandits de grand chemin, et non par des islamistes.