Soixante-dix jours après, on en est encore à des conjectures très contradictoires. L'embargo total, fait par les autorités algériennes sur le sort des trente et un touristes européens disparus dans le Sahara algérien depuis plus de soixante-dix jours pour certains, renseigne d'un côté sur la difficulté de parvenir à un résultat rapide concernant leur libération, et d'un autre côté, sur le fait qu'un enlèvement a véritablement eu lieu. Ce qui explique à la fois le silence radio officiel et le caractère délicat de la mission dont sont investis les services algériens de sécurité. L'offre de l'aide à l'Algérie de conseillers et d'experts allemands ou autrichiens peut signifier une prise d'otages par des groupes locaux (GIA local, contrebandiers ou cigarettiers) et une négociation serrée en vue d'obtenir la libération de ces touristes. Tous les indices, toutes les pistes corroborent pour aboutir à confirmer la thèse de l'enlèvement. Les propos circonspects du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne les indices trouvés et qui portent à croire que les touristes disparus «sont en vie», ne peuvent occulter un sentiment de gêne de n'être parvenu à aucun résultat tangible concernant les opérations de recherches entreprises depuis plusieurs semaines, en même temps qu'ils donnent à croire qu'il n'a dit que le strict minimum à ce sujet, hier, au micro de la radio algérienne. Son propos: «nous avons longtemps pensé qu'ils s'étaient égarés» est synonyme d'une rectification de position, alors que son «nous avons trouvé des vêtements» laisse penser que les touristes, ou pour le moins un groupe d'entre eux, peut avoir fait l'objet d'un kidnapping. D'un autre côté, en affirmant que les groupes de touristes se sont aventurés «dans des chemins en dehors des voies habituelles suivies par les touristes guidés», Zerhouni prélude vaguement à l'idée (abandonnée, du reste), qu'ils se sont perdus dans l'erg oriental et peuvent être morts, à l'heure actuelle, de déshydratation. C'est dire la difficulté qu'ont les officiels à communiquer sur un sujet de plus en plus épineux et qui devient, au fur et à mesure que les jours passent, quasi encombrant. La thèse admise aujourd'hui par les tenants du néosécuritaire est que les trente et un touristes disparus ont fait l'objet d'enlèvement. Leur disparition, les uns après les autres, la concentration de ces disparitions dans le temps (19 février-mi-mars), l'espace («triangle de feu»), Ouargla-Djanet-Tamanrasset) et la sélection opérée dans ces rapts (presque tous les touristes disparus sont des ressortissants de langue germanique: 15 Allemands, 10 Autrichiens, 4 Suisses, 1 Suédois et 1 Néerlandais) donnent à ces enlèvements un caractère systématique et éloigne de tout débat sérieux la thèse d'un égarement dans les vastes espaces arides du Sahara, aussi mortels soient-ils. Groupe terroriste local, affilié au Gspc ou réseau de contrebandiers? Toutes les recherches se concentrent désormais là-dessus. Pour ceux qui connaissent les difficultés d'agir aux lisières des frontières sud de l'Algérie, c'est là que les véritables difficultés vont commencer. La prolifération du commerce d'armes de groupes rebelles dans ces vastes régions arides et insondables ouvre les débats sur toutes les hypothèses.