Qu´est-il arrivé à cette jeune et charmante greffière qui a marché sur les braises du faux? Cour de Tébessa. Un immense chantier de rénovation des lieux, n´est pas arrivé à décourager nos vaillants magistrats d´exercer le plus noble des métiers. Dimanche, neuf heures dix. C´est la tenue du procès de Hayet R., 37 ans, poursuivie pour faux sur documents officiels et de deux autres commis qui doivent être jugés pour complicité de faux et d´usage de faux. Le ton est solennel. L´atmosphère est lourde. Les jeunes gendarmes sont là prêts à rendre les honneurs aux membres du tribunal criminel, événement aimé par les justiciables car c´est le symbole de l´espoir des gens venus voir ces uniformes «verts» saluer ces robes noires, celles des magistrats et des avocats que sont, aujourd´hui, Maîtres Brahim Messaoud, El Mouldi Boukhari, Maître Traïdia constitués pour Hayet R. Abaïdia et Salah. Bien installés sur leur siège, Saïd Hadjam, le président qu´entourent Abdelhamid Boudjabi et Abdelaziz Mamine ouvrent les débats. A la gauche de l´assistance, Mahiedine Antri occupe le siège du ministère public. En face de lui, de l´autre côté de la composition du tribunal criminel, le sympathique Saïd Baâli est, lui, chargé du greffe de l´audience. Les accusés sont appelés un à un. Depuis le box des accusés, ils se lèvent et déclinent leurs coordonnées. Un grand moment d´émotion noie l´assistance au moment où Hayet R., l´accusée de faux, la star de la semaine, se lève, belle mais complètement déboussolée, elle, la greffière respectée, adulée qui est là dans le box, assise aux côtés de sa «gardienne» de taule qui fait une tête d´enterrement que l´on prendrait pour une coaccusée, n´était l´uniforme bleu pâle de l´institution pénitentiaire. Puis le président, décidé à aller au-devant du dossier, appelle les témoins parmi lesquels Maître Aïcha Gherzouli qui doit être de la partie car constituée dans cette affaire de faux. Puis, c´est le silence qui précède une sortie des avocats. Maître Boukhari demande le report car il y a une autre affaire liée à celle-là: «Le tribunal criminel a le pouvoir discrétionnaire de les joindre», dit l´avocat qui sourit lorsque le président jette: «Qu´à cela ne tienne», avant de regarder du côté de Antri, le procureur général lequel ne voit pas d´inconvénient. L´air est plus respirable. Des sourires s´affichent enfin sur les visages radieux mais fermés jusque-là, des deux conseillers Abdehamid Boudjabi et Abdelaziz Mamine qui vont alors assister à l´inévitable intervention des deux avocats chargés de demander la liberté provisoire. Et ce sera ce malin de président Saïd Hadjab qui ne va pas se faire prier pour l´accorder! Oui, le récent rappel à l´ordre sec et cassant de Tayeb Belaïz, le cavalier de la Réforme de la justice en l´occurrence, accorder la liberté provisoire aux justiciables poursuivis qui ont de sérieuses garanties de retour à la barre le jour «J» décidé par le tribunal ou la chambre correctionnelle. Même Antri ne s´oppose point. Hayet R. arbore un gros sourire et ses prunelles se mouillent et pour cause. L´émotion des retrouvailles avec la liberté est trop forte. Parmi l´assistance, quelqu´un pleure. Vu son âge, c´est peut-être le papa d´un des accusés. L´audience est levée, comme elle avait été ouverte: solennelle! La greffière accusée ne se tient plus les tempes. Elle vient de fixer le plancher du box des accusés. Le film du crime qu´elle a commis doit probablement défiler dans sa boîte crânienne. Tenez! à propos, ce n´est pas une mauvaise idée que de vous narrer les faits, côté «accusation» évidemment! Hayet R., cette dynamique greffière, dit-on dans les couloirs de la juridiction, a pris un sérieux risque en «pianotant» sur un document judiciaire dont une des parties s´était pris à vérifier le contenu, un contenu «bricolé». La lourde machine judiciaire qui se met en marche à l´encontre d´inculpés ou d´accusés «normaux», devient carnivore à l´encontre des enfants de l´appareil judiciaire, et l´enfant, dans ce dossier, est la greffière. Attendons, donc, le procès dont les débats auront lieu en fin de session criminelle. Les avocats, ligotés par le secret professionnel, comme le représentant du ministère public «ficelé» par le devoir de réserve, se regardent en chiens de faïence en attendant le lancement des hostilités devant ce doux président Saïd Hadjab dont on ne cesse de louer, tout comme Boudjemaâ Souilah, les grandes qualités que l´on ne trouve pas chez certains collègues d´Alger. Quelle référence, mes amis!