Un tôlier passe sa vie à redresser les bosses des automobiles. El Hachemi lui en a volé une... El Hachemi R. est en taule depuis un semestre. On lui reproche le vol et le faux autour d´une voiture...Mohammed Seddik L., quarante-huit ans, un employé est inculpé libre, lui, de complicité. Une aberration que les avocats voulaient effacer à la barre. Une vraie gymnastique. Les deux avocats, dont un ancien chevronné se sont démenés comme deux chevaliers dans et sur la piste de l´arène en vue de convaincre le trio de magistrats de la chambre correctionnelle de la cour d´Alger et en plus l´inébranlable et expérimenté Mohamed Farek, le procureur, qui ne veut pas prêter l´oreille aux arguments de la défense. «Notre client n´a pas écopé d´une lourde peine de prison ferme pour un seul délit, en l´occurrence le vol. Non, on lui a ajouté le faux et usage de faux», a protesté Maître Bachir Chérif, l´avocat qui a en outre indiqué que l´inculpé n´a pas eu l´attention du tribunal. Il a été très mal écouté. Il avait dit la vérité à tous les niveaux des auditions (P.J., juge d´instruction, parquet, section détenus du tribunal). La chambre est interpellée en vue de se pencher sur le dossier qui contient tout, toute la vérité. La présidente est en totale communion avec le jeune et discret plaideur. Muets comme deux carpes au fond du lit, des conseillers, bras croisés, un signe révélateur sur une attention soutenue, murmurent cependant de temps à autre une question du côté de Madame la présidente, la juge au sang-froid exemplaire qui est l´unique personne dans cette vaste salle d´audience à - il est plus qu´utile de la souligner fort bien - avoir toute la latitude à mener les débats comme elle l´entend et ce, en symbiose avec la paire de conseillers en «or», et c´est franchement peu dire. Les faits graves demeurent au fond bêtes. Un employé dans l´administration se présente chez un tôlier qui a un véhicule dans un bon état, désire revendre l´engin qui s´avèrera avoir des papiers faux, falsifiés, de quoi bouleverser deux familles qui verront leurs chefs être poursuivis avec tous les désagréments et autres humiliations, dégarnir la façade de familles honorables être éclaboussées par la détention préventive avant que la liberté provisoire ne vienne dégager l´horizon de la famille de l´employé Mohammed Seddik. Le jugement par défaut allait tout remettre en cause. Seulement, la justice, c´est peut-être le tribunal mais aussi la cour d´appel. Et l´appel sert toujours lorsque ce n´est pas souvent à corriger une bévue voire rectifier le tir. Et ce jour-là, au Ruisseau, un certain avocat Maître Lamouri était arrivé, fusil à l´épaule, aider le jeune avocat de Boufarik. Par ailleurs, cette juge qui refuse tout comportement où le respect des procédures est absent, va devoir se permettre beaucoup de tolérance surtout lorsque ce turbulent Maître Lamouri, qui n´avait pas manqué de féliciter la juge qui a le don de posséder le pouvoir de poser les questions. El Hachemi répond sereinement sans jamais balbutier. C´est là un signe - peut-être - qu´il n´y est pour rien dans cette galère où un employé modèle s´est trouvé embarqué en compagnie d´un tôlier, coupable lui de vol et de faux et d´usage de faux et condamné. Il faut rappeler que l´employé n´a commis qu´un seul délit: acheter l´automobile avec des papiers falsifiés. «Et pas forcément falsifiés par le tôlier. Non! Et puis, Madame la présidente, nous réclamons la relaxe sans aucun souci pour notre client pour une solide raison», a lancé le jeune avocat Maître Bachir, qui a aussi expliqué qu´El Hachemi a, dès qu´il a appris le jugement prononcé par défaut prononcé par le tribunal de Hussein Dey, rejoint le tribunal, tout employé sérieux qu´il était pour être entendu. Pour le tôlier, Maître Lamouri, avec toute son expérience, s´est dit outré, scandalisé par ce dossier vide de tout bon sens. «Aucune preuve!» Revenant brièvement aux faits, l´avocat a rappelé que la bonne foi de l´inculpé a fait qu´il a acquis une auto....volée. «Oui, il a commis une bêtise, c´est pour cela que nous demandons qu´il faut juger les faits certes, mais aussi se pencher sur la personnalité du client», ont dit à l´unisson les deux défenseurs qui hausseront les épaules lorsque le procureur général a requis la confrontation du jugement prononcé en première instance: trois ans de prison ferme plus une amende. Et là aussi, Maître Lamouri allait franchement casser la baraque en protestant bruyamment et poliment face au trio de magistrats en excellente forme. Tant mieux! Pour le traditionnel dernier mot, El Hachemi a certifié qu´il ignorait tout de la voiture volée aux faux papiers. Le verdict était attendu sur le siège. Eh bien non! Madame la présidente, imperturbable, annonce la mise en examen de l´affaire pour la semaine prochaine. Ah! bon? ça alors, c´est bon signe pour les initiés car la composition va mieux délibérer loin du brouhaha de la salle d´audience et de l´autre...celle des «pas perdus», juste pour décider de l´avenir immédiat et d´El Hachemi et de Mohammed Seddik.L., pour suivi pour avoir enfreint les termes des articles 350 et 222 du Code pénal, deux articles que Maître Bachir avaient mis sous l´étau pour serrer, serrer jusqu´à ce que les trois juges du siège n´y voient que du feu. Farek, lui, n´était pas tellement convaincu par les déclarations des prévenus.