Des mégaprojets et des sommes astronomiques en milliards de dollars : le tourisme, annoncent en fanfare les responsables du secteur à l'issue de chaque rencontre avec des hommes d'affaires arabes, « sera révolutionné ». Beaucoup d'intentions d'affaires ont été signalées, mais la concrétisation n'est visiblement pas pour demain. En effet, des Saoudiens, des Emiratis, des Koweïtiens… de nombreux opérateurs arabes, conscients de l'importance de l'aubaine que leur offre l'Algérie, expriment, depuis déjà deux ans, leur volonté de contribuer au développement touristique en Algérie tout en faisant miroiter leur argent. Il n'en fut rien ou presque. On attend toujours les pétrodollars devant provenir des richissimes pays du Golfe. Et l'attente dépasse parfois le seuil de raisonnable. Alors que les hauts responsables du pays multiplient déclarations et rencontres en vue de convaincre les investisseurs arabes de l'importance du potentiel touristique algérien, les capitaux convoités atterrissent à grande vitesse dans les pays voisins, le Maroc et la Tunisie. Ces deux pays se sont érigés comme les destinations préférées des investissements en provenance du Golfe arabe dans la région du Maghreb. Pourquoi autant de retard pour investir dans un marché juteux, de l'avis même des hommes d'affaires arabes ? Où se situe le problème ? Les Algériens sont-ils peu convaincants que leurs rivaux des pays voisins ? Du côté des responsables algériens, on ne perd pas espoir. « Il y a un intérêt grandissant de la part d'un certain nombre de pays du Golfe, comme l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït qui sont intéressés par la réalisation des investissements dans le domaine du tourisme en Algérie », nous déclare Djamel Zerguine, chef de la division des investissements étrangers à l'Agence nationale du développement des investissements (ANDI). Pour 2007-2008 on s'attend, selon notre interlocuteur, à « l'investissement de plus de 3,5 milliards de dollars dans des projets touristiques ». Des investissements, explique-t-il, qui émanent notamment de groupes émiratis. L'intérêt qu'accordent les opéra teurs arabes au secteur touristique est confirmé également par Natheem Sabbah, responsable de l'entreprise Sabbah Invest Services. « Il y a énormément d'entreprises et d'opérateurs arabes qui sont intéressés par le marché algérien. Ils savent qu'il y a beaucoup d'opportunités d'investissement dans le secteur du tourisme et nous avons encouragé (ces opérateurs) à venir dans le pays », affirme-t-il. Selon lui, en plus du groupe saoudien Sedar (première entreprise à s'installer en Algérie), de nombreux investisseurs du Koweït et des Emirats arabes unis ont déjà séjourné en Algérie et veulent y investir. Les pétrodollars et les éternelles études de faisabilité L'ANDI, souligne M. Zerguine, a traité des dossiers concrets, notamment celui relatif à la réalisation par le groupe Sedar d'un village touristique à Zeralda, de deux grands projets à Annaba (un complexe touristique multifonctionnel et un centre d'affaires multifonctionnel). Le groupe saoudien, ajoute-t-il, s'intéresse également à la réalisation de villages et de complexes touristiques dans des zones d'extension touristique. « Il y a des groupes émiratis qui s'intéressent à la réalisation des investissements dans ce domaine, notamment sur la côte ouest d'Alger (Club des pins, Moretti et Sidi Fredj), il y a également la réalisation dans la région des Grands Vents d'un grand tronçon touristique. Un groupe koweïtien souhaite aussi investir dans de grands ensembles, à la fois immobiliers, d'affaires et de tourisme, dans la région de Aïn Taya », assure-t-il. Pourquoi alors autant d'hésitation ? Pour notre interlocuteur, il ne s'agit pas d'hésitation. Les projets devant être réalisés, selon lui, exigent de grands montants et demandent beaucoup de temps pour être concrétisés. « Il faut savoir que quand on décide d'investir des sommes aussi importantes, les études sont complexes. Ce n'est pas en un mois ou deux qu'on réalise des études de cette envergure. Ce ne sont pas seulement des études architecturales, mais il y a aussi des études de rentabilité du projet, de la mobilisation des financements et des espaces sur lesquels sera implanté le projet », estime-t-il. La même explication a été avancée par le responsable de Sabbah Invest Services. L'on se demande si ces projets seront réalisés un jour. Contacté par nos soins, les responsables de Sedar n'étaient pas disponibles, alors que le groupe émirati Immar ne s'est pas encore installé en Algérie. Ayant affirmé son intention d'investir plus de 20 milliards de dollars en Algérie, le groupe Immar ne dispose même pas d'un bureau à Alger et toutes nos tentatives de joindre le chargé de communication du groupe se sont avérées vaines. Immar, soutient M. Zerguine, « serait sur le point de finaliser ses études et il n'y a pas lieu de croire qu'il n'accorde plus d'intérêt à l'investissement en Algérie ». La bureaucratie fait fuir les capitaux Pour l'orateur, l'Algérie offre actuellement toutes les conditions nécessaires à l'investissement dans le domaine touristique. « Un investisseur étranger qui vient en Algérie, il faut qu'il s'assure que le pays est stable politiquement, que le pays montre suffisamment de visibilité (législation) et la lisibilité sur le plan sécuritaire. Les trois conditions sont satisfaites, le reste c'est un certain nombre d'accompagnements fiscaux et parafiscaux pour soulager un peu la charge de l'investissement et permettre à ces investisseurs d'avoir un retour sur capital relativement intéressant. L'Algérie donne un certain nombre de signaux clairs pour que les investissements étrangers se réalisent », explique-t-il. M. Sabbah abonde aussi dans le même sens : « La majorité des contraintes n'existe plus, les textes de loi sont révisés et le problème du foncier a été résolu. » Mais il reste la mère des problèmes : la bureaucratie. Selon M. Sabbah, les investisseurs butent encore sur cet épineux problème. « En plus des lenteurs dans les procédures, il faut également revoir le texte de loi concernant l'octroi de l'agrément pour l'ouverture des agences touristiques », souligne-t-il. En attendant, le secteur du tourisme traîne encore la patte. Comparée aux pays voisins, l'Algérie est très en retard avec près de 80 000 lits seulement, dont la majorité ne répond pas aux normes. « Tout est à faire en matière de tourisme en Algérie », déclare M. Zerguine. Selon lui, « ce n'est que maintenant que l'on commence à financer des projets touristiques ». « Maintenant il faut aller vers la construction de nouvelles infrastructures, si l'on veut devenir une destination touristique », note encore notre interlocuteur.