«L´arme nucléaire, c´est la fin acceptée de l´humanité.» Théodore Monod, extrait d´une interview d´août 1999 Faute de se faire sélectionner dans des festivals internationaux comme Berlin, Venise ou encore Cannes, c´est dans la banlieue française que les cinéastes algériens présentent leurs films. Sans compétition et surtout sans la médiatisation française, puisque c´est dans la presse algérienne que se trouve l´impact médiatique escompté. «Le Maghreb des films» est une rencontre communautaire qui unit médiocrité et talent, succès et bide. Mais qui fait découvrir un documentaire qui fera sûrement parler de lui, à l´avenir. A cette occasion unique de 2009, il a été projeté Gerboise Bleue, un documentaire de Djamel Ouahab, d´une durée de 1h30, coproduit entre la France et l´Algérie en 2008. Le film-documentaire raconte l´histoire des vétérans français et des Touareg algériens, victimes des premiers essais atomiques français dans le Sahara de 1960 à 1966. Gerboise Bleue, premier essai atomique français effectué le 13 février 1960, dans le Sahara algérien, est le point de départ de la puissance nucléaire de la France. Il s´agit de tirs aériens radioactifs puissants effectués dans des zones appartenant à l´armée française. Suivront des essais souterrains, même après l´Indépendance de l´Algérie. De 1960 à 1978, 30.000 personnes auraient été exposées dans le Sahara. Selon le film, l´armée française a reconnu officiellement neuf cas d´irradiations. Aucune plainte contre l´armée ou le Commissariat à l´énergie atomique n´a abouti. Trois demandes de commission d´enquête ont été rejetées par la Commission de la Défense nationale. Pour la première fois, les derniers survivants témoignent de leur combat pour la reconnaissance de leurs maladies, et révèlent dans quelles conditions les tirs se sont véritablement déroulés. Le réalisateur a filmé au point zéro de Gerboise Bleue, interdit d´accès pendant 47 ans par les autorités algériennes. Curieusement, un autre documentaire de 52mn, réalisé par un autre réalisateur algérien, Larbi Benchiha, Atomic Sahara, sera bientôt présenté par France 3 et qui revient, lui aussi, sur les premiers essais nucléaires français réalisés en Algérie, en pleine guerre d´indépendance. Larbi Benchiha réussit à interviewer d´anciens appelés du contingent, militaires de carrière, civils ou simples ouvriers ayant séjourné sur les sites nucléaires du Sahara et participé aux essais nucléaires. Dans un entretien, un témoin parle: «J´ai assisté à la première explosion nucléaire, c´était le 13 février 1960 à 7h04. Une heure après, à 8h, avec trois camarades nous étions sur le point zéro, nous avions les pieds qui s´enfonçaient dans le sable. Le sable était chaud et noir. Il craquait sous nos pieds comme si nous marchions sur du verre...», reconnaît Roland Weil, conscrit en 1960. Ou encore le témoignage de Mohamed Bendjebbar, officier de carrière dans l´Armée nationale populaire en 1966. «Au lendemain du départ des Français du Sahara, mes hommes et moi avons pris le relais. Nous sommes arrivés sans la moindre protection, nous n´avions ni combinaisons, ni masques ni appareils pour mesurer la radioactivité. Les soldats ignoraient tout de la nature du lieu qu´ils ont investi...» Larbi Benchiha a découvert cet épisode caché de l´histoire de la France en lisant un journal qui consacrait un article à la publication d´un livre de l´historien Bruno Barrillot. Il a fait ce documentaire pour réveiller la mémoire collective de l´Algérie et de la France. En février 2010, la France célèbrera les 50 ans de son accession au club très fermé des puissances nucléaires. Ces deux documentaires auront leur place dans le paysage audiovisuel français, mais pourquoi ce sont des Algériens qui ont réalisé ces documentaires forts intéressants?