Il semble bien que les responsables du rapt soient hors d'Algérie et que l'intercession d'un pays tiers soit à l'ordre du jour. Après la libération des 17 touristes européens (6 Allemands, 10 Autrichiens et 1 Suédois) dans une spectaculaire (et controversée) «opération de sauvetage», le second round de l'opération concernant les 15 autres restants (10 Allemands, 4 Suisses et 1 Néerlandais) s'avère autrement plus difficile. Aujourd'hui, il apparaît de plus en plus évident que l'assaut du mardi 13 mai n'a été déclenché qu'après une période de quinze à vingt jours de négociations infructueuses. Un faisceau d'indices tend à confirmer cette thèse, très en vogue dans la presse allemande et autrichienne, et qui tranche avec la parcimonie avec laquelle les autorités algériennes ont traité cette affaire. Il est clair que la fragilité des appuis sur lesquels l'armée négociait la libération des touristes européens a été à ce point déterminante pour pousser à la plus grande retenue, mais que la Télévision et la Radio algériennes, ainsi que la très officielle APS, aient été les dernières à donner l'information de la libération des otages relève d'un dysfonctionnement majeur et de réactions par à-coups à la presse privée qui, la première, avait relevé les circonstances de l'assaut de la veille. D'où les craintes affichées du ministre algérien des Affaires étrangères sur les «effets très néfastes» que peut avoir la «surmédiatisation» de cette affaire sur la suite des événements. Les mêmes démarches sont «reconduites» pour ce qui concerne l'acte II de l'opération de sauvetage des quinze touristes européens encore détenus par l'équipe de Belmokhtar. Le flou total, qui a marqué l'opération elle-même, a poussé certains médias étrangers, à l'exemple de RFI, à douter de tout et à affirmer que le deal était une rançon à acheminer vers les preneurs d'otages, et que la même démarche va se faire pour libérer le reste des touristes. Des sources helvétiques ont, hier, relevé que des «négociations sont toujours en cours pour obtenir la libération des otages allemands, suisses et néerlandais» et qu'«un pays voisin» a offert ses bons offices pour intercéder auprès des preneurs d'otages et obtenir «à moindre coup en vies humaines» la libération des quinze touristes encore retenus à la lisière des frontières algériennes. Cette information, qui cite une source algérienne sûre, induit en réalité deux nouvelles données. Primo: les preneurs d'otages se trouvent hors d'Algérie, peut-être en Libye ou au Niger. Deuzio: l'endroit où sont retenus les otages est inconnu des services spéciaux algériens. Ces deux nouvelles donnes s'appliquent parfaitement à Mokhtar Belmokhtar, émir du Gspc pour la région Sud (l'est-il encore à ce jour?) et grand bourlingueur du Sahara algérien. Ses incursions en Libye et notamment au Niger sont notoires et les affinités qu'il a nouées dans ces deux pays, grâce aux pistes des «cigarettiers», dont il est l'un des parrains, sont connues de tous. Quoi qu'il en soit, il semble bien que l'opération de libération des quinze autres touristes encore détenus soit plus périlleuse que la première, surtout s'il s'avère que des terroristes avaient réellement été tués dans l'assaut d'Amguid. La soif de se venger, l'esprit vindicatif et «médiatique» du groupe preneur d'otages peuvent, alors, constituer un très sérieux écueil pour mener une opération aussi réussie que la première. Une appréhension réelle et affichée et qui renseigne sur la crainte par les autorités algériennes de voir resurgir les «anciens démons» (nés depuis les affaires de l'Airbus et des sept moines de Tibhirine) à un moment où le pays a besoin d'un maximum de stabilité politique et sécuritaire.