Le premier acte de l'opération antiterroriste a pris fin. Le second, plus périlleux, sera la libération des quinze autres restants. Les unités spéciales de l'armée ont donné l'assaut, mardi, dans la région d'Amguid, contre le groupe preneur d'otages, dans une opération «à très haut risque», et menée avec la plus grande discrétion depuis plusieurs semaines. Dix-sept otages, des Allemands et des Autrichiens, ont pu ainsi être délivrés après un bref accrochage dans lequel au moins neuf preneurs d'otages, affiliés à la branche Sud du Gspc de Hacène Hattab, ont été tués. Le communiqué de l'état-major de l'armée, diffusé hier, note que l'ensemble des otages avait été libéré, signifiant par là que les autres touristes disparus, au nombre de quinze, sont détenus ailleurs par un autre groupe. Le communiqué, laconique à souhait, précise que le groupe armé, auteur du rapt, a été localisé le jour même de l'assaut, mais une source sûre nous a confirmé que la localisation a été faite par les services de l'armée, il y a près de vingt jours. La même source précise: «Eu égard à la complexité de la situation, ce laps de temps avait été nécessaire pour mettre tous les atouts du côté des troupes spéciales afin d'étudier la question sous tous ses angles.» Des services spéciaux étrangers, notamment allemands, ont été «mis au courant» aux fins de trouver l'issue la moins dramatique à l'opération de libération qui se constituait en parallèle. Des jours durant, les preneurs d'otages avaient été espionnés de loin, leurs mouvements et contacts interceptés, mais l'assaut avait été à chaque fois différé, en raison du relief et du souci des autorités algériennes de ne pas mettre en danger la vie des touristes. La région d'Amguid, comme son nom ne l'indique pas, est une zone inhabitée, rocailleuse et parcourue de lits d'oueds secs et «coulants». La région d'Amguid est surtout célèbre pour ses deux cratères météoritiques, l'un se trouvant à Tin Bider, l'autre, celui appelé cratère d'Amguid (les deux autres sont Ouarkrize, près de la frontière marocaine et Talemzane dans l'Atlas saharien). C'est dire le relief très spécial des monts rocailleux d'Amguid, sorte de canyons du Colorado version locale. Cette région, très pauvre, rude et inhabitée, est située à l'est de Iniker, qu'on peut atteindre soit en venant de Tamanrasset, soit en venant d'In Salah. C'est là, dans cette zone, un peu surnaturelle, plantée au milieu de l'erg Oriental, que le Gspc local, dirigé par Mokhtar Belmokhtar, émir pour la zone Sud, a décidé de mener le premier groupe de touristes européens enlevés, au nombre de dix-sept, alors que le second groupe est dirigé vers une autre cache, «à la périphérie de Djanet», précise une source sécuritaire. Des négociations ont-elles été menées? Le groupe preneur d'otages a-t-il exclu les autorités algériennes et voulait négocier directement avec les responsables des pays concernés, comme il a été dit dans la presse allemande? Pourquoi le jour de l'assaut a-t-il été choisi mardi matin? Le groupe preneur d'otages a-t-il fait des victimes dans les camps de l'armée? De combien d'hommes était-il constitué? Autant de questions qui se posent à longueur de ligne et dont on ne sait rien encore, bien que de «violents accrochages» entre militaires et terroristes aient été attestés par les autorités militaires. La même source affirme que l'échange de tirs a été «court mais violent» et qu'il n'a pas dépassé la quinzaine de minutes, «les unités spéciales de l'armée ayant agi par surprise, au moment où on les attendait le moins». Les autorités militaires précisent que les dix-sept otages ont été «libérés sains et saufs» et évacués vers le poste de commandement de la 6e Région militaire de Tamanrasset. Après quoi, ils ont été transférés, pour les contrôles médicaux nécessaires, vers l'hôpital militaire de Aïn Naâdja à Alger, avant d'être, en début d'après-midi, rapatriés chez eux (Allemagne, Autriche et Suède). Les unités spéciales de l'armée sortent donc victorieuses du premier épisode du bras de fer avec le Gspc. Le second épisode est déjà lancé et concerne la libération des quinze autres touristes restants, les dix Allemands, les quatre Suisses et le Néerlandais, encore «détenus dans une grotte à la périphérie de Djanet», par les preneurs d'otages, des autochtones locaux affiliés au Gspc de Hacène Hattab, la plus structurée et la plus importante des organisations armées et qui, de surcroît, a des liens étroits avec Al-Qaîda depuis sa création en 1998, dans les monts de Sidi Ali Bounab. C'est la plus spectaculaire action menée sur le plan international par le Gspc depuis sa création. Privilégiant l'action locale et la «stratégie de symbiose», en vivant en paix avec les autochtones, le Gspc a réussi à focaliser des médias pendant près de deux mois, préoccupés par le sort des premiers touristes européens portés disparus depuis le 19 février 2003. C'est la fin du calvaire pour les 17 otages libérés. Pour les 15 autres, encore retenus en otage, il continue. Et leur libération s'avère «plus périlleuse», compte tenu de l'épilogue de ce premier round, estime un spécialiste algérien de la question.