Selon le ministère de l'Intérieur, les 15 touristes européens, encore portés disparus, seraient détenus par un second groupe terroriste. “Dans le cadre des recherches entreprises pour retrouver les touristes étrangers, disparus dans le Sud algérien, les unités de l'ANP ont repéré, dans la matinée du 13 mai 2003, dans le sud de la région d'Amguid, le lieu où se cachait l'un des groupes terroristes du GSPC qui avaient enlevé ces personnes. Après un bref assaut contre les terroristes (…), l'ensemble des touristes détenus, au nombre de dix-sept, et qui sont de nationalités allemande, suisse et autrichienne ont été libérés sains et saufs.” Tel est l'essentiel du communiqué de l'état-major de l'ANP, rendu public hier dans la matinée. Annonçant le dénouement, en partie, de l'affaire des 32 touristes européens — la disparition d'un autre Allemand vient d'être constatée par les autorités de Berlin — évanouis dans l'axe Tamanrasset-Illizi-Djanet, depuis près de trois mois, il confirme la thèse de l'enlèvement largement répercutée par les médias et créditée par diverses sources militaires et diplomatiques. Un rapt commis de surcroît par des terroristes dûment identifiés et assimilés au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Le jour même de l'assaut (mardi), alors que l'opération militaire déclenchée à l'aube était achevée, le chef de la diplomatie allemande, Joschka Fischer, qui venait de quitter Alger pour Tunis, parlait, pour la première fois, de prise d'otages en espérant qu'un recours à la force sera évité pour ne pas attenter à la vie des touristes. Les autorités de Berlin ne savaient donc pas, à ce moment-là, qu'une offensive était menée contre un premier groupe de ravisseurs dans la région d'Amguid, à 200 km au nord de la wilaya de Tamanrasset. Cela semble improbable. En tout cas, la libération du premier contingent, comptant six touristes allemands — un couple, trois hommes seuls dont un amateur d'archéologie, et une étudiante disparus depuis le 17 février —, dix Autrichiens et un Suédois, a certes été accueillie avec une grande joie par le gouvernement allemand, mais elle a, par ailleurs, suscité sa crainte quant au sort réservé aux dix autres touristes allemands et leurs voisins néerlandais (1) et suisses (4) encore entre les mains des preneurs d'otages. “Les 15 otages européens, toujours détenus dans le Sud algérien, sont dans une situation précaire (…). Le gouvernement part du principe que tout sera fait pour que leur vie ne soit pas menacée”, a déclaré, hier, le porte-parole adjoint du gouvernement allemand Thomas Steg. Selon des sources concordantes, ils seraient détenus à Tamlirt, une région rocheuse et montagneuse située à 150 km de la wilaya d'Illizi. Leur libération serait-elle imminente ? Le communiqué de l'armée n'en fait aucune mention. Dans ce texte, l'état-major s'est même trompé sur la nationalité de l'un des touristes délivrés des mains des ravisseurs. Il a parlé d'un Suisse alors qu'il s'agit en réalité d'un Suédois. A Berne, grande est évidemment la déception des autorités de ne pas compter leurs ressortissants parmi les touristes libérés. Irrité par la joie non dissimulée des autorités de Vienne, le gouvernement suisse s'est élevé contre l'annonce avec fracas des premières libérations. “Ces annonces peuvent, éventuellement, mettre en danger la vie des personnes disparues qui n'ont pas été retrouvées et qui ne sont pas libres”, a regretté Muriel Berset-Cohen, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères. Elle a espéré vivement que les touristes suisses soient en vie et souhaité que “tout soit entrepris en partant de l'idée qu'ils sont en vie”. Dans une déclaration du ministère algérien de l'Intérieur, reprise hier après-midi par l'Agence France presse, les 15 touristes encore portés disparus sont “détenus par un second groupe terroriste”. Cette révélation tranche avec les approximations du chef de ce département, Yazid Zerhouni, qui avait précédemment annoncé qu'aucune piste de recherche probante n'était privilégiée. Il avait soutenu cela lors de son audition, la semaine dernière, par la commission du tourisme et de la culture de l'Assemblée populaire nationale en affirmant, par ailleurs, que 5 000 militaires et quatre avions munis d'équipements de vision nocturne étaient mobilisés pour les opérations de ratissage. Cafouillages Entre-temps, l'armée avait-elle avancé dans ses recherches et confirmé la thèse de l'enlèvement ? Selon ce texte, les forces de l'ANP n'ont localisé les touristes que mardi et ont lancé immédiatement une offensive pour les libérer des mains de leurs ravisseurs, aussitôt identifiés. Une telle version des faits est, en effet, sujette à caution. Selon des sources bien informées, la localisation des touristes remonte à plusieurs semaines. A la demande des autorités allemandes, notamment, les autorités algériennes auraient renoncé plusieurs fois à donner l'assaut. Privilégiant une solution politique du problème, Berlin a voulu faire intervenir ses propres agents de la police antiterroriste. Le chancelier Gerhard Schr?der en a fait l'offre à son homologue algérien. Alger a poliment refusé cette aide en indiquant, par la voie de son ministre de l'Intérieur, qu'elle n'en a pas besoin. En réussissant à préserver la vie des otages, l'armée algérienne en sort grandie. Cependant, la bataille n'est pas tout à fait gagnée. Reste le sort qui sera réservé au second groupe de touristes encore retenus en otage. Pour les Autrichiens, le retour de leurs ressortissants sains et saufs au pays suffit à leur faire oublier tous les cafouillages et les demi-vérités qui ont prévalu dans le discours des officiels algériens. Hier, le président autrichien, Thomas Klestil, a remercié son homologue Abdelaziz Bouteflika de “l'aide particulière fournie par l'Algérie en vue de la libération des touristes”. En fin d'après-midi, les dix ressortissants autrichiens ont pris l'avion en direction de Salzburg. Un appareil a été, par ailleurs, dépêché de Cologne pour rapatrier les six Allemands ainsi que le touriste suédois domicilié en Allemagne. Le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, ainsi que les secrétaires des ministères des Affaires étrangères d'Allemagne et d'Autriche étaient présents à l'aéroport Houari-Boumediene au moment de leur départ. Auparavant, tous les touristes ont été transférés vers l'hôpital militaire de Aïn Naâdja pour l'évaluation de leur état de santé. S. L.