Un homme bat sa femme. A la barre c´est le... beau-frère qui est poursuivi pour coups et blessures volontaires! La salle d´audience du tribunal de Boufarik (cour de Blida) était comble mercredi dernier. Il y avait un monde pas possible. Mais le service d´ordre local a joué son rôle et toute l´assistance était bien installée. On entendait la seule mouche en liberté voler de coin en coin. Saâda, la jeune et toute fraîche présidente de la section correctionnelle, la tête enveloppée dans un foulard blanc, présidait sans concession les débats. Après une affaire d´escroquerie, une autre de vol à l´arraché vint le tour de Saïd.H., vingt-huit ans. Employé modèle, cet inculpé est pourtant «employé» dans la «cage inculpation». Il est poursuivi pour coups et blessures volontaires ayant occasionné un arrêt de travail de trois jours. La victime Nadia B., la trentaine, est absente. C´est la propre belle-soeur de Saïd l´inculpé! Et Saïd est dans les vaps. A la barre, il décline son identité et n´arrive pas à croire ce qui lui arrive. «Ce n´est pas moi l´auteur des coups. C´est son époux, mon frère. Je n´ai rien à voir dans cette histoire», dit-il d´emblée, avant d´ajouter que les coups étaient le résultat d´un problème interne au couple. La juge écoute, prend des notes. Elle parcourt en silence le casier judiciaire...vierge! Elle va tout de même poser deux ou trois questions à l´inculpé. Il ne saura pas y répondre, évidemment, puisque ce n´est pas l´agresseur recherché. Hamza Farès, le représentant du ministère public garde un silence prudent. Il avait raison, car l´avocat de Saïd H., l´inculpé, allait sortir la grosse artillerie pour tirer son client du bourbier dans lequel on l´avait plongé, tête en avant et pieds en l´air. La magistrate semblait en avoir terminé avec. Farès réclame une peine de prison ferme de dix-huit mois pour coups et blessures volontaires, fait prévu et puni par l´article 264 du Code pénal. Le plus curieux dans ce dossier, c´est l´impair commis par la justice qui a heureusement, d´ailleurs, le droit de se gourer de temps à autre, mais aussi plus qu´heureusement d´ailleurs, là aussi, il y a des mécanismes qui permettent de rectifier le tir et changer le «fusil» d´épaule, même si en l´espèce, les victimes ne perdent pas leurs droits toujours préservés. Et parmi les mécanismes, il y a les juges du siège en charge du dossier «malmené» qui joue son rôle de pompier le cas échéant. C´est pourquoi, Saâda demeure malgré son jeune âge, vigilante et surtout attentive. Il n´y avait qu´à la voir prendre des notes lorsque le timide mais rusé avocat, Maître Bachir-Chérif, plaide une cause qu´il savait gagnée d´avance tant l´évidence laissait place à tous les optimismes. Même le jeune représentant du ministère public, Farès Hamza, savait de quoi ce dossier retournait mais était resté ligoté par l´indivisibilité du siège et donc, aucun commentaire n´avait échappé de sa bouche demeurée close et les oreilles battant pavillon d´attention soutenue. «Car bon sang, comment a-t-on pu ramener le frangin de l´auteur des coups et lui poser des questions dont il n´a cure», avait marmonné le défenseur qui n´avait pas voulu trop s´étaler pour faire économiser du temps, un précieux temps à Saâda qui mérite d´être aidée, soutenue, ménagée. D´ailleurs, en prononçant sur le siège la relaxe de Saïd H. juste après avoir griffonné le dispositif, simple d´ailleurs, et plutôt léger, la présidente a prouvé que la génération qui arrive sur les «plateaux» de la justice mérite toute la confiance des justiciables et même du président de la République qui avait fait une priorité absolue de la «réforme de la justice».