«Je suis d´origine algérienne, mais je me sens profondément français.» Rachid Bouchareb lors de la conférence de presse sur Indigènes! C´est connu, Bouchareb est un fin communicant. Il ne répond jamais à ses détracteurs. Lors d´une conférence de presse, un journaliste lui avait demandé s´il se sentait plus un cinéaste algérien qu´un cinéaste français, Bouchareb a une esquive habile: «Je suis un cinéaste universel.» Depuis le début de la polémique lancée par le député de l´UMP, Lionel Luca, le réalisateur franco-algérien a préféré ne pas répondre à la polémique et éviter la presse et cela malgré les centaines de demandes d´interviews algériennes et internationales faites à son bureau de Paris. Rachid Bouchareb, avec son ami et associé Jean Bréhat, a soigneusement établi un plan de communication digne des grandes campagnes présidentielles. Ils sont conseillés par l´un des meilleurs attachés de presse sur la place parisienne, un Franco-Libanais, Francois Hassen Guerrar. Il s´est chargé de la communication de plusieurs films, parmi eux Lebanon de Samuel Moaz, Les Secrets de Raja Amari, Mammuth de Benoît Delepine, ou encore Française de Souad El Bouhati et Le Concert de Radu Mihaileanu. Mais en dépit de son expérience de communication connue par toute la presse parisienne, Guerrar ne pouvait pas contrôler la presse française qui versait chaque jour dans la polémique, avec une nouvelle approche, sans même voir le film. Alors, l´objectif de Guerrar est de planifier une campagne agressive afin d´éviter le face-à-face médiatique et casser ainsi la polémique. Pour le moment, sa mission est accomplie. Première étape, ne pas donner d´interview ou de conférence de presse avant la projection du film, le 21 mai. Ne pas répondre aux attaques de l´extrême-droite, même si elles sont menaçantes. Instruire tous les comédiens, les coproducteurs et les techniciens à ne pas s´exprimer avant le 21 mai. Et ne pas réagir aussi aux messages de soutien et de réaction positive venant, aussi bien du délégué général, Thierry Frémaux que du ministre de la Culture, M.Mitterand. Et quand le président Sarkozy avait souhaité voir le film, le Français Jean Bréhat, associé de Bouchareb, a invité le président français à venir à Cannes pour regarder le film. En évitant que Rachid Bouchareb, lui-même, réponde au président français, Jean Bréhat a empêché ainsi une nouvelle polémique d´éclater. Car si le cinéaste algérien avait répondu à Sarkozy, en refusant de lui faire une projection spéciale, cela aurait donné une occasion inespérée aux adversaires de Bouchareb d´amplifier la polémique et surtout d´annuler la projection du 21 mai. Depuis cet épisode, la polémique est tombée dans les eaux calmes de la Croisette. Un calme qui a donné l´occasion à notre ministre de la Culture de s´exprimer et défendre le film. Et pour équilibrer avec les nombreuses critiques françaises qui vont sabattre sur le film après sa projection à Cannes, la ministre de la Culture a eu cette idée folle et ingénieuse de programmer en même temps le film Hors-la-loi à Alger. Ainsi le 22 mai au matin, les claviers vont s´animer dans les deux côtés de la rive méditerranéenne, apportant ainsi le même lot d´articles et de critiques sur le film. A quelques jours de la projection du film, Bouchareb, le guerrier du cinéma français, a gagné la bataille de la communication, mais n´a pas encore remporté la guerre de la critique cinématographique. [email protected]