Avec deux délits, Ahmed W., un jeune délinquant, n´avait qu´un avocat: un renard des juridictions. La présidente de la section correctionnelle du tribunal avait voulu lancer un signal à la nombreuse assistance venue ce dimanche suivre des procès de toutes natures. Il y avait ce jour-là, une quarantaine de détenus dont les deux tiers étaient là pour prendre connaissance du verdict mis en examen la semaine dernière. Et le signal lancé par la juge du siège aura été juste ce qu´il faut pour que plus jamais un tel délit ne soit plus commis surtout par les jeunes. Et précisément, le détenu, client de Maître Benouadah Lamouri, a moins de vingt-trois ans. Il a usé de faux après l´avoir créé. En effet, en se baladant dans les artères de la cité, il avait trouvé un permis de conduire quasi neuf, sur la chaussée, au bord du trottoir. Et au lieu d´aller voir le policier du coin ou encore se rendre à l´APC y déposer le document, il a eu une autre maléfique idée. Il décolla la photo pour y placer la sienne lorsqu´il avait...seize ans. Un ado, quoi! Le comble et comme pour vérifier le fameux adage qu´»un malheur n´arrivait jamais seul», le jour où il avait été interpellé lors d´un malheureux contrôle de routine, une arme blanche sur lui. Et ce délit vaut à lui seul au moins une année de prison ferme. Alors pour le faux et usage de faux, ou ne vous dit pas. Et encore, la catastrophe aura voulu que le faux fut effectué par le jeune sur un document officiel, où figure le sceau de l´Etat. C´est dire la rude mission qu´a autour des épaules, heureusement larges, l´avocat de Dar El Beïda, un avocat certes, fatigué mais toujours debout grâce à une sacrée dose de résistance, juste de quoi honorer son engagement à tirer d´affaire ce faussaire en herbe. Il faut d´ailleurs vite préciser que le jeune Ahmed W n´est ni un délinquant, ni un voyou, ni un rôdeur recherché par les services de police. C´est pourquoi, malgré un rude réquisitoire du procureur de l´audience et à sa manière, Maître Lamouri va alors prendre le taureau par les cornes et s´attaquer aux deux délits surtout qu´à la barre, il y avait le propriétaire du permis venu certifier qu´il l´avait égaré depuis un peu plus de six mois. Voire comme info. Commençant sa défense par le port d´arme blanche, Maître Lamouri s´est écrié que d´abord le couteau n´était pas sur lui, mais dans la voiture, dans la boîte à gants: «Y a-t-il, madame la présidente une seule loi qui interdise à un citoyen de mettre une arme dans la boîte à gants? Non, non et non!», a martelé le défenseur, le front en sueur. La présidente fait la moue. Le procureur lève les yeux sur le faux plafond et la greffière s´occupe de ses ongles car il faudra se lever à l´aube pour surprendre une greffière suivre les débats et prendre note de la petite et de la grosse! L´avocat sait qu´il vient de marquer un point. Il continue sur le faux. Et là, il ne va tout de même pas s´amuser à son âge à faire son temps au tribunal et engager sa parole devant les magistrats qui respectent beaucoup ce vieux renard de la barre toujours vivifiant. C´est alors que Maître Lamouri ne va pas dépasser une seule demande qu´il fera avec un large sourire qui verra ses lèvres arriver à ses oreilles: «Madame la présidente, j´aurais nui à la justice si je dépassais l´octroi de larges circonstances atténuantes. Et même les demandes du représentant du ministère public sont plutôt ridicules. Plus ridicules qu´insensées! Trois ans de prison pour un jeune qui en est à son premier délit!» La présidente remercie l´avocat et rectifie: «Maître, le tribunal salue votre perpicacité mais vous rappelle seulement que Ahmed W. a deux délits, pas un seul.» Après avoir pris acte du dernier mot du détenu - La relaxe!?! - rien que ça, la juge inflige la peine de prison de un an assortie du sursis. Et Maître Lamouri était heureux de s´apercevoir que la présidente a coupé la poire en deux, en guise de magnanimité envers ce jeune, ce jeune qui a souffert le martyre durant toute l´audience qui donnait l´impression de n´en plus finir...