«L´arbre suit sa racine.» Proverbe berbère Depuis quelque temps, une émission politique est sur toutes les lèvres à Alger, «Deux Rives» de Berbère télévision. Une émission qui a accueilli en exclusivité deux personnalités importantes du sérail: l´ancien ministre des Affaires étrangères et représentant des Nations unies en Irak, Lakhdar Brahimi, et l´ex-ministre de l´Intérieur et actuel Consul général d´Algérie à Paris, Abderrahmane Meziane Chérif. Berbère TV, qui nous a habitués à des programmes bas de gamme, avec des clips kabyles en boucle et des émissions tournées avec une seule caméra, a vraisemblablement adopté le principe des grandes émissions politiques, avec des invités de marque et surtout un cadre plus audiovisuel, plus professionnel, qu´on retrouve très bien sur Al Jazeera, France 24 ou la BBC. Berbère TV a également invité Hocine Malti, ex-vice-président de la Sonatrach, quelques jours après la sortie de son livre polémique Histoire secrète du pétrole algérien. Des intervenants qui sont interviewés par un journaliste français professionnel, Philippe Robichon, ex-employé de Beur FM (le concurrent direct de Brtv) et qui animait une émission à grande écoute Good Beurning. Les personnes sont invitées par rapport à l´actualité brûlante du moment et les questions abordées sont souvent directes comme celle posée à Lakhdar Brahimi sur les événements d´El Aâyoune, ou encore son avis sur l´arrêt du processus électoral de 92. Même si Lakhdar Brahimi est un habitué des esquives dans le jeu des questions pièges, souvent posées par les journalistes d´Al Jazeera, Berbère TV a tout même obtenu un scoop de taille, qui a été repris par toute la presse, celui du départ du Consul général algérien à Paris, Abderrahmane Meziane Cherif. Cette annonce étonnante faite sur une petite télévision communautaire a donné de la crédibilité à Berbère TV et surtout une audience inespérée à une chaîne qui ne s´adresse qu´à des téléspectateurs qui habitent à 50 km de Paris et à 100 km d´Alger. En choisissant de placer dans la grille une émission politique destinée à un grand public, Berbère TV est sortie de son ghetto. Désormais, on n´a pas besoin de s´exprimer en kabyle pour être invité sur Berbère TV. Cela au moment où on disait que la chaîne allait bientôt cesser ses émissions après la suppression de ses JT dans les deux langues et surtout après la mise en demeure du CSA. Qu´est-ce qui a donc changé dans la tête du patron de la chaîne, Mohamed Saâdi, un expert-comptable gérant les affaires de nombreuses célébrités françaises parmi elles Johnny Halliday, pour changer d´orientation? Quand il a créé Berbère Radio Télévision en janvier 2000, avec son frère l´avocat Mustapha Saâdi, avec un capital modeste de 1 million d´euros, la chaîne, dont le siège se trouve dans la région parisienne à forte concentration kabyle, à Montreuil, était consacrée entièrement à la promotion de la culture berbère. Mais, aujourd´hui, la donne a changé. La cause amazighe n´est plus la priorité des frères Saâdi, mais la politique et les affaires. Déficitaire depuis sa création, Brtv, la chaîne qui était cryptée dans le passé, survivait grâce aux dons et à des ventes d´abonnement. Très archaïque à ses débuts, la petite télé est devenue un groupe audiovisuel puissant, propriétaire de deux autres chaînes Berbère Jeunesse et Berbère Music, d´une radio (Antinea Radio) et d´une maison d´édition. Ce changement d´angle de prise de vue obéît à une stratégie à long terme bien étudiée par les frères Saâdi. [email protected]