Il suffit de casser - comme tente de le faire la «communauté internationale» - le fragile équilibre assuré depuis 10 ans par Gbagbo pour pousser les chrétiens et les musulmans ivoiriens à l´affrontement. Vers un autre «Darfour». Le problème ivoirien dépasse la Côte-d´Ivoire. Il dépasse même le continent africain. Il s´inscrit dans une stratégie dont personne ne parle. Pour comprendre commençons par présenter les deux protagonistes autour desquels tourne la crise née de l´élection présidentielle. Qui est Laurent Gbagbo? Il est né en 1945. Après avoir obtenu une licence d´histoire, il enseigne cette matière à Abidjan avant d´être chercheur à l´institut d´histoire d´art et d´archéologie africaine. Il connaît la prison au début des années 70 pour ses activités syndicales. Dans les années 80 il est un farouche opposant au parti unique d´alors, le Parti démocratique de Côte d´Ivoire et milite pour le multipartisme. Candidat malheureux à l´élection présidentielle de 1990, il obtient 18,30% des voix contre Félix Houphouët-Boigny, président de la République ivoirienne durant 33 ans. En 1992 Alassane Ouattara Premier ministre à l´époque, fait arrêter Gbagbo à la suite de manifestations étudiantes. Ce dernier est condamné à 2 ans de prison. Gbagbo remporte l´élection présidentielle de 2000 face au général qui avait destitué le successeur d´Houphouet-Boigny mort en 1993. Gbagbo est donc chef de l´Etat ivoirien depuis 10 ans. Passons maintenant à Alassane Ouattara. Il est né en 1942. Il a fait ses classes primaires en Côte d´Ivoire et ses études secondaires au Burkina Faso. Après des études universitaires aux Etats-Unis il est économiste au FMI avant d´en devenir le directeur général adjoint en 1994. En 1990 il se marie avec une Française à Neuilly (France) devant le maire Nicolas Sarkozy, l´actuel chef de l´Etat français. En 2000 la Cour suprême ivoirienne rejette sa candidature à l´élection présidentielle pour «nationalité douteuse» (Burkinabé par un de ses parents). Il obtient la nationalité ivoirienne en 2002 par voie de justice. Ces deux hommes revendiquent tous deux la présidence de la République après un deuxième tour de l´élection qui s´est déroulée le 28 novembre dernier. Gbagbo a été proclamé président par la Cour suprême comme le prévoit la Constitution tandis que c´est la commission indépendante de surveillance des élections qui a déclaré Ouattara vainqueur. Les deux constituent leur gouvernement, ce qui a pour effet de bloquer le pays. Dans ce conflit la communauté internationale (ONU, Union européenne, Cedeao,...) soutient Ouattara tandis que Gbagbo refuse de céder le pouvoir avec beaucoup moins d´appuis à l´extérieur sinon de manière discrète. Sur place se trouvent des forces de l´ONU depuis 2004 juste après les forces françaises de «l´opération Licorne» qui se sont installées en 2003. Ces armées ont été dépêchées suite aux troubles que vit la Côte d´Ivoire depuis 1990, année de l´instauration du multipartisme, et qui se sont aggravés par une grave crise identitaire. Sur une population estimée à 21 millions, la Côte d´Ivoire se compose de plusieurs ethnies. Une soixantaine environ. 38% des Ivoiriens sont musulmans et vivent principalement au nord tandis que les Chrétiens (catholiques et protestants) qu´on retrouve sur le littoral représentent près de 28% des Ivoiriens. Le reste de la population pratique d´autres croyances. Pour être plus complet, ajoutons que ce qui s´est rarement dit, à savoir que Gbagbo est chrétien et Ouattara musulman. Ajoutons que c´est Gbagbo qui est démocrate comme nous l´avons vu, pas Ouattara. Dès lors, il est permis de douter du soutien qu´accorde la communauté internationale à Ouattara et des menaces qu´elle profère contre Gbagbo. Même quand la légalité institutionnelle est du côté de ce dernier. En refusant tout compromis comme le recomptage des voix. Jusqu´à l´intervention militaire agitée au début de la crise. Et si l´option militaire étrangère recule ce n´est pas sans raison. Le chaos n´a point besoin d´intervention étrangère directe. Il suffit de casser - ce que tente de faire la «communauté internationale» - le fragile équilibre assuré depuis 10 ans par Gbagbo pour pousser les chrétiens et les musulmans à l´affrontement. Comme en Irak. Comme en Egypte. Comme au Soudan avant la sage décision des élections prise par Omar El Bechir. Comme en Europe où les premiers signes apparaissent. C´est la nouvelle feuille de route des terroristes «islamistes». Après les mosquées, les églises. Le «Darfour» se déplace en Côte d´Ivoire. ([email protected])