Furieux par le simple fait que son client ait été traîné à la barre alors qu´il avait rendu visite aux policiers lesquels ne l´avaient pas trouvé chez lui. Selma Bedri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal d´El Harrach de la cour d´Alger, avait prévenu les trois inculpés de tentative de vol dont le principal-détenu - était défendu par Maître Benouadah Lamouri lequel avait d´emblée réussi à faire avaler la pilule à la représentante du ministère public, Fethia Benghanem qui avait, lors de ces débats, tenu à maintenir les poursuites à l´encontre de Abdelkrim F., vingt-cinq ans, au casier vierge certes, mais ayant été reconnu par les voisins du malheureux propriétaire du domicile dont on a brisé la serrure, le cadenas, sans parvenir à y entrer et voler... L´avocat de Dar El Beïda avait, comme d´habitude, beaucoup de flèches sur le dos. Des flèches qu´il décochait à chaque fois que son client allait être confondu par les questions de la juge du siège qui ne voulait pas que ce procès soit entaché d´un quelconque vice de forme. Elle avait surtout une oreille attentive à ce renard de Maître Lamouri qui ne ratait aucun tir en direction de l´inculpation. «Mme la présidente, que fait mon client en taule? que fait-il ici? Est-ce parce qu´il avait été correct en répondant à la convocation «verbale» des policiers venus le chercher à la maison alors qu´il se trouvait derrière sa table à légumes au marché? A-t-il été victime de sa bonne foi? Non, Mme la présidente. Personne n´a vu mon client casser ou tenter de s´introduire dans le domicile!», s´est exclamé le défenseur qui a soulevé les rires de l´assistance lorsqu´il a donné ces précisions de taille: «Ceux qui l´auraient aperçu aux alentours de la maison visitée étaient complètement «out». Ils sniffaient. Ils planaient et donc cela pouvait être n´importe qui! Ils auraient vu qui dans l´état où ils se trouvaient? Est-ce que leurs témoignages collent à la réalité?», avait ajouté le conseil qui était allé plus loin: «Et ces deux moineaux, que font-ils ici? Ils ne se connaissent pas. Ils ne se sont jamais vus. Ils s´étaient rencontrés au commissariat de police et c´est là où ils ont fait connaissance» car le poste de police est un lieu privilégié où l´ont fait ample connaissance et pas seulement où l´on y trace une stratégie de défense... Voire... C´est vrai que Abdelkrim, Radouane et Malik ne pouvaient se connaître: vingt-cinq, trente-quatre et vingt neuf ans! Ce n´est pas tout à fait la même génération. Mais que voulez-vous? «Notre justice est ainsi faite. Les gens chuchotent. D´autres protestent à mi-voix. La majorité silencieuse bouillonne. Oui, il y a comme cent braises sous la cendre grise dans un brasero fêlé», confie une avocate qui traîne dans les juridictions depuis 1993-1993! cela vous dit quelque chose? La tragédie nationale? Et comment que cela vous dise quelque chose... Maître Lamouri n´ira pas jusque-là. Il s´arrêtera là où il a commencé: le doute. Le fait est que ce n´est pas parce qu´il a suivi le conseil de son papa - i-e- d´aller voir ce que lui veulent les policiers et donc il a au moins prouvé qu´il n´avait rien à se reprocher. «Même les policiers l´ont transcrit sur une des pages du procès-verbal. Aucun signe d´énervement ou encore de panique n´était visible sur son visage et sa déposition avait été faite sans tremblement de timbre de sa voix», avait balancé ce terrible défenseur qui a ce don de convaincre les plus avertis des magistrats du siège qui savent au passage que ce même avocat aurait eu des faiblesses en défendant les intérêts d´une victime. Et Bedri ne fait point exception en ayant beaucoup de respect et un soupçon d´admiration pour Maître Lamouri qui a aussi, il est utile de le souligner, l´art de ne point piétiner les procédures. Ligotée par l´indivisibilité du siège du ministère public, Benghanem demande, sans trop de conviction, une peine de prison ferme de quatre ans à l´encontre de Abdelkrim, Radouane et Malik R., qui demanderont, à l´occasion du traditionnel dernier mot, la relaxe! Et la juge, qui a préféré prendre du recul, annonce la date du verdict sous huitaine au grand dam des familles des détenus qui rejoindront le sous-sol avant de regagner sous bonne escorte les «Quatre Ha» dont on dit qu´ils seront bientôt «sept» à la suite de leur élargissement.