«L´épisode de la fermeture du bureau d´Al Jazeera démontre que le monde audiovisuel est incontrôlable comme l´Internet.» Expert égyptien sur Al Masrya Après la chute de Ben Ali et Moubarak, l´influence d´Al Jazeera est devenue indéniable. Ni islamiste, ni modérée, ni sunnite, ni chiite, Al Jazeera est tout simplement arabe. Ses horaires sont fixés sur La Mecque et non pas Doha. Ce n´est pas pour autant qu´elle est islamiste à part entière. C´est en novembre 1996, que l´émir du Qatar, Hamad Bin Khalifa Al Thani, a eu l´idée de créer une chaîne d´information arabe parce que longtemps le pays a vécu dans l´ombre de son Goliath voisin, l´Arabie Saoudite. Sans ressources, ni humaines, ni naturelles, le Qatar est un pays qui manque d´originalité. Population réduite (près de 900.000 habitants), tissu économique principalement animé par des immigrés indiens et pakistanais, il a fallu attendre le milieu des années 1980 et une prodigieuse découverte de gaz naturel pour sortir de l´ornière et de l´oubli. Et depuis, l´émir n´a qu´une obsession: jouer un rôle sur l´échiquier international. C´est alors qu´une diplomatie des gaz dollars s´enclenche. C´est chose faite, puisque rien ne peut se faire sans la médiatisation d´Al Jazeera. L´émir avait un objectif: présenter une vision du monde. La chaîne va lui servira de relais à l´international. Il en fait un authentique outil diplomatique. Au début, Al Jazeera n´est que le miroir des valeurs prônées par l´Emirat du Qatar. Mélange d´Infitah (ouverture) d´un soupçon de laïcité, la chaîne se veut moderniste, évite les prises de position trop radicales, préfère les modèles égyptiens et libanais plutôt qu´iraniens ou syriens. Al Jazeera decolera de l´Emirat et obtiendra des images exclusives de l´offensive aérienne américaine contre l´Irak: Desert Fox. L´audience dresse l´oreille. Là, l´intérêt commence à frémir. On découvre une ligne éditoriale mêlant analyses équilibrées, excellente ligne éditoriale et un savant mélange d´informations et de divertissement. Panachage communément appelé «Infotainement». Un concept en sortira: les Sheikh Talk Shows. Dans ce registre, un imam ou un théologien propose, en direct, ses exégèses à l´endroit de bons croyants soucieux de valider un comportement à l´aune des lois islamiques. Sheikh Youssef El Kardoui en deviendra l´incontestable vedette. Souvent invité, le sage distille des conseils iconoclastes. Le prédicateur cathodique n´est certes pas qu´un joyeux luron permissif, il est également un farouche ordonnateur de fatwas. Il a été d´un grand secours dans la révolution anti-Moubarek. Après l´interdiction et la fermeture des bureaux d´Al Jazeera qui a duré 11 jours, les autorités égyptiennes sont revenues sur ces mesures disciplinaires: elles ont compris que la lutte contre Al Jazeera est contre-productive et qu´elle renforce même son impact sur le téléspectateur égyptien. [email protected]