L´année 2010-2011 sera sans doute l´année la plus mouvementée pour la chaîne qatarie. Le départ de Ghassan Ben Jeddou a provoqué une véritable polémique dans le monde médiatique arabe et le site yéménite Hashad, évoque avec instance le départ d´une autre pointure d´Al Jazeera, le Syrien Faysal El-Qassem, l´animateur d´une émission phare, «A contre-courant» (Ittijâh oua Ittijâh mu´âkis). Cela intervient après la démission d´Al Jazeera, sûre celle-là, d´une autre présentatrice syrienne, Loubna Chebel, qui est intervenue en direct sur la chaîne syrienne Dounia pour dénoncer Al Jazeera et soutenir le régime de Damas. Cette affaire aura-t-elle une incidence sur l´avenir de la chaîne qatarie? Pas sûr, surtout si celle-ci est en relation avec les moukhbarate syriennes. L´été dernier, Al-Jazeera avait soulevé une polémique après la démission très controversée de plusieurs présentatrices vedettes. A cette époque, on avait accusé la chaîne qatarie d´être conservatrice et même d´être vendue aux extrémistes musulmans. Mais quelques mois plus tard, tout était rentré dans l´ordre. La chaîne avait su dépasser ses problèmes pour continuer son expansion, notamment dans le monde anglophone, tout en consolidant encore ses positions dans le paysage audiovisuel local. Al Jazeera a connu ensuite les problèmes de brouillage lors de la retransmission de certains matchs de Al Jazeera Sport lors de la Coupe du Monde 2010, ce qui n´a pas empêché le Qatar de décrocher l´organisation de la Coupe du Monde de football en 2022. Devenue depuis janvier 2011, la tribune des organisations révolutionnaires arabes en Tunisie, en Egypte et au Yémen. Les limites d´Al Jazeera par rapport à certains sujets sensibles, à commencer par ce qui touche de près ou de loin au Golfe, en général, et à l´Arabie Saoudite, en particulier, sont bien connues. Ce n´est donc pas le silence de la chaîne à propos de la répression à Bahreïn, mais bien un changement de style assez radical, qui a heurté une bonne partie du public arabophone (c´est, en effet, moins flagrant sur le canal anglophone, qui n´a pas la même histoire de toute manière). Mais depuis quelques jours, le Qatar qui était l´allié stratégique de la Syrie a mis toutes ses extensions d´Al Jazeera Télévision au service du soulèvement syrien. Ne disposant pas de bureau à Damas, la chaîne reprend à nouveau ce qui «traîne» sur Internet en sus semble-t-il d´un nouveau réseau de correspondants locaux dont les récits, qui accompagnent les vidéos mises sur le Net par les manifestants, s´inscrivent en faux avec la version donnée par les médias locaux. Des officiels syriens continuent à intervenir, mais leur discours est de plus en plus inaudible face à ceux des très nombreux opposants, sur place ou à l´étranger, et face surtout à l´accumulation de faits qui cadrent de moins en moins avec le déroulement d´une crise dont l´importance se mesure, pour ne s´en tenir qu´à cela, au nombre des victimes, y compris dans les bilans officiels. Dans ce contexte, c´est peu dire que la nouvelle de la démission de Ghassan Ben Jeddou a provoqué une faille dans le système d´Al Jazeera à Beyrouth. Ghassan Ben Jeddou avait, à un moment, été évoqué pour la direction de la chaîne, un poste en définitive confié à Wadah Khanfar. D´autres raisons encore (la suppression de la grille de nombreux débats télévisés au profit de reportages plus factuels mais aussi plus superficiels) explique le départ de cette vedette syrienne dont ses relations avec le régime de Damas n´est pas à écarter. [email protected]