C'est une vision apocalyptique qu'offrait cette wilaya au lendemain du séisme. De Corso à Boumerdès-ville en passant par Thénia, Zemmouri, ce sont les mêmes images qui reviennent dans leur atrocité. Plus d'un millier de morts, des centaines de blessés, de sans-abri et de disparus. Tel est le bilan du séisme qui a frappé de plein fouet la wilaya de Boumerdès dont l'épicentre serait la localité de Thénia. Ce bilan pourrait s'aggraver, de nombreuses personnes se trouvant encore enfouies dans les décombres de dizaines d'immeubles détruits par ce séisme. Des bâtisses risquent de s'écrouler en raison des affaissements et des fissures ayant lézardé les murs. C'est la mort dans l'âme et la mine triste que les habitants de Boumerdès tentent de chercher vainement dans le regard des secouristes dépêchés sur place un espoir de retirer encore des personnes vivantes de dessous les décombres des immeubles, hier encore symbole de modernisme, tombés comme des châteaux de cartes en l'espace d'un instant mortel. Devant l'ampleur de la catastrophe et dans un élan de solidarité la population a décidé de se prendre en charge. C'est ainsi que munis d'une pioche, d'une pelle ils se sont mis à fouiller les décombres à la recherche d'un cadavre ou d'un miraculé. A la cité des 1200 Logements c'est la consternation totale tant l'image dépasse l'entendement. Sous des tonnes de béton gisent des familles entièrement ensevelies. Sur l'immense tas de décombres de ce qui furent des immeubles de plusieurs étages, les jeunes et moins jeunes et des pompiers impuissants, la mine défaite devant l'ampleur de la tâche, regardent, immobiles. Un silence de mort règne à Boumerdès. Il n'est troublé que par le ronronnement de bulldozers ou par de lointaines sirènes d'ambulances transportant à la morgue les cadavres déterrés. Moins d'un mètre sépare souvent ce qui, auparavant, étaient des sols et des plafonds. Au lendemain du séisme les secouristes, composés de la population et des pompiers, étaient incapables d'avancer le moindre bilan ni de rassurer les gens quant à l'éventualité de trouver des survivants. Aidés d'un bulldozer, mis à leur disposition par une entreprise privée, les gens s'affairent à déblayer les décombres avec des pelles et parfois à mains nues. Mais comment évacuer des centaines de tonnes de béton et de parpaing de briques, sans risquer de nouveaux affaissements avec le risque d'étouffer d'éventuels survivants? Cela faisait 24 heures que des familles étaient piégées dans ce château de cartes fatal. Le regard lointain et vide, un père de famille, ayant tout perdu, regarde ce qui restait encore des immeubles puis s'éloigne sans le moindre mot en hochant la tête en signe d'impuissance. Le même désarroi se lisait sur les visages des habitants qui ont passé la nuit dehors dans des écoles ou sous des tentes tout en guettant la moindre vibration. Ces familles passeront encore la nuit de jeudi à la belle étoile tant la peur d'un autre séisme était encore vivace dans les esprits. La même panique se lisait sur les visages des habitants de Zemouri où tout s'est effondré. D'ailleurs la prière d'el asr a été célébrée en pleine esplanade publique juste en face de la mosquée dont il ne restait que le minaret incliné telle la tour de Pise. Tout près, des maisons ont été «déracinées». Les immeubles ressemblaient beaucoup plus à des millefeuilles écrasés enterrant des familles entières. Pourtant ces constructions étaient récentes. «Regardez ces immeubles encore en constru-ction qui se sont effondrées comme des châteaux de sable alors que les anciennes bâtisses ne sont mêmes pas fissurées», témoigne un jeune en colère pointant un doigt accusateur sur les entreprises de construction et les services techniques qui ont signé les certificats de conformité. Dans cette anarchie, les enterrements se succèdent depuis deux jours en file indienne tandis que les vivants sont laissés dans un désarroi total dans une odeur terrible qui se répand au fur et à mesure que sont dégagés les gravats à mains nues en cette journée ensoleillée.