«Il faut mourir de faim dans un jardin fertile parce que lintérêt du marché interdit de le cultiver.» R.Vaneigem, Nous qui désirons sans fin. Jai bien cherché dans mes archives personnelles ce que le mois de mars pouvait présenter de particulier à célébrer en dehors, bien sûr, de la merveilleuse Journée de la femme ou de celle, beaucoup plus discrète, du 19 Mars, quand je suis tombé par le plus pur des hasards sur les fameux décrets du 2 mars 1963 qui portent sur lautogestion des biens vacants. Cela fait bientôt 50 ans et déjà ces mesures démagogiques (tout comme les mesures enveloppées dans les grands sentiments de générosité et de patriotisme...) sont déjà passées dans la trappe de lHistoire, oubliées de tous sauf de ceux qui ont fait passer dans leur patrimoine personnel ces biens payés par le sang des autres. Le souvenir que je garde de cette atmosphère enchantée sont les images liées aux volontariats organisés pour planter des arbres sur les flancs dénudés des montagnes ou de ce magnifique plan dun Amar Ouzegane, premier ministre de lAgriculture, tenant une magnifique grappe de raisin dans un domaine autogéré de Abbo, non loin de Felix Faure. Abbo est devenu Sidi-Daoud, Felix Faure Si Mustapha et le terrorisme hante toujours ces arpents qui furent jadis si prospères. Il faut rappeler que lautogestion était un mode de gestion inventé par les révolutionnaires de la Commune de Paris et mis à la mode par le maréchal Tito qui fut à lépoque, sinon un inspirateur, du moins un soutien indéfectible de lAlgérie. Il avait adopté ce système pour son pays pour se détacher du système soviétique avec qui il était en conflit. Il faut dire que léconomie centralisée accouche toujours dune bureaucratie paralysante qui bloque les initiatives urgentes et broie les énergies créatrices. Si lautogestion nest pas connectée directement à léconomie de marché elle procède dune plus grande souplesse même si elle dilue les responsabilités...Tous les systèmes de gestion de lactivité humaine ont leurs avantages et leurs inconvénients, cest la raison pour laquelle il faut chercher, non pas les motivations qui ont poussé ceux qui se sont imposés par la force au lendemain de lIndépendance, à prendre des décisions aussi lourdes de conséquences...mais se remettre dans lambiance de lépoque où, après plus de sept années de violences, malgré leuphorie qui semblait régner officiellement devant les caméras de lUnique ou sur la place publique, les rapports entre administrateurs et administrés étaient dune autre nature. Outre le marasme économique qui régnait après la politique de la terre brûlée de lOAS où, suite aux improvisations volontaristes des responsables politiques, la gestion dentreprises de toutes tailles était une nouveauté pour ceux qui accédèrent à la barre. Cest peut-être ce qui explique le peu de succès réalisé par la majorité des comités de gestion. Mais il y avait des comités de gestion qui sen sortaient pas mal, comme celui de Blida qui avait pour nom «Coopératives Aïssat-Idir» et qui avait réussi à organiser les premières colonies de vacances pour les enfants de ces travailleurs agricoles à Bérard: cétait une victoire socialement parlant pour ces travailleurs qui navaient jamais connu jusque-là ni congés payés ni vacances. Mais le plus intéressant est de savoir ce que sont devenus ces bijoux qui assuraient lapprovisionnement des Halles de Paris comme celles dAlger. La télévision libérée de la langue de bois pourra-t-elle un jour montrer ces anciens combattants du combat socialiste afin quils disent, il y a prescription maintenant, les raisons qui ont provoqué la chute dun secteur agricole jadis florissant. Il faut rappeler cette réflexion dun ministre syrien en visite dans un domaine autogéré de la Mitidja: «Vous avez de beaux domaines! Pourvu que vous sachiez les préserver.»