Le cabinet israélien a approuvé le document du Quartette en l'assortissant de réserves. L'approbation de la «feuille de route» par le gouvernement israélien a-t-elle induit une avancée vers la paix? Il est permis - en l'état actuel des choses et au vu de la lecture que font les Israéliens de la paix - d'en douter. En effet, le cabinet Sharon a certes approuvé la «feuille de route» mais - «dans le contexte des promesses faites par les Etats-Unis», une précision qui s'impose, promesses, dont personne ne sait en fait, en quoi elles consistent. Cette approbation de la «feuille de route» et faite par l'adjonction d'une réserve de poids, par le vote par le cabinet d'une motion rejetant «à l'avance le droit au retour des réfugiés palestiniens». Problème sans doute épineux qui sera abordé lors de la troisième phase de la «feuille de route». A l'évidence, on n'en est pas encore là. D'autant plus que la lecture, très restrictive, que font les Israéliens tant de la «feuille de route» que de la création de l'Etat palestinien n'est pas de nature à favoriser l'établissement d'un dialogue serein entre les Israéliens et les Palestiniens. Les dernières déclarations de responsables israéliens, notamment de leur chef du gouvernement, n'incitent guère à l'optimisme, d'autant plus que les ambiguïtés loin d'être levées se sont en quelque sorte approfondies au détour des explications d'Ariel Sharon. Ainsi, dans une déclaration à la radio israélienne, le Premier ministre israélien a indiqué que la «feuille de route» était, à ses yeux, «un moindre mal». Pour emporter l'adhésion des opposants au document en question et justifier sa demande d'adoption par son cabinet, Sharon a expliqué que «le moment est venu de partager ce morceau de terre entre nous et les Palestiniens, il faut être réaliste et savoir ce qui peu rester dans nos mains et ce qui ne peut pas (...) il faut dire oui aux Américains». Première ambiguïté: lorsque Sharon dit que le moment est venu de partager ce «morceau de terre», parle-t-il de l'ensemble de la Palestine historique ou plutôt des territoires palestiniens qu'Israël occupe depuis 1967, d'où les résolutions 242 et 338 des Nations unies exigent son retrait total? Faut-il que les Palestiniens partagent la partie congrue de la Palestine historique dont les territoires sont déjà truffés de colonies juives de peuplement? Ce qui expliquerait le refus du gel de ces mêmes colonies dont le nombre ne fait qu'augmenter. L'autre ambiguïté, c'est lorsque Sharon écarte la possibilité qu'«une acceptation par Israël de la ‘‘feuille de route'' débouche sur la création d'un Etat palestinien dès les prochains mois». Or la «feuille de route» prévoit la création de l'Etat palestinien, par étape, au plus tard en 2005, c'est-à-dire d'ici à quelques mois. De fait, dans l'esprit des Israéliens, 2005 n'est pas une date butoir ni une limite mais une indication et que l'édification de l'Etat palestinien ne peut être qu'une chose lointaine dans le temps et sûrement pas un fait qui puisse se concrétiser dans les vingt-quatre mois à venir. En vérité, l'expérience de ce qui s'est passé avec l'accord d'Oslo - qui fixait la création de l'Etat palestinien au 4 mai 1995 - peu à peu remis en cause par les Israéliens, avant d'être simplement dénoncé, est un avertissement quant à la roublardise d'Israël qui veut la paix sans céder la terre. Sharon et ses prédécesseurs, qui se sont joués des gouvernements, mis au service de l'expansionnisme israélien, ne sont pas prêts à une paix véritable avec les Palestiniens et, partant, avec l'ensemble des Etats arabes, préférant jouer sur l'usure de la résistance du peuple palestinien plutôt que d'investir dans la confiance avec ce peuple. Et le moins qui puisse être assuré est que la population palestinienne ne peut avoir confiance dans un occupant qui a fait de la force et de la répression le moyen le plus approprié de «dialogue» avec la partie palestinienne. Lorsque Sharon, pour convaincre les réticents du Likoud à approuver la «feuille de route», affirme, que «rien ne sera décidé sans l'aval d'Israël», il sait bien que ce n'est pas parce que Israël a le pouvoir d'imposer son diktat à la communauté internationale, mais bien parce que les Etats-Unis, principal «parrain» du processus de paix, ne feront rien pour amener Israël à prendre et à assumer ses propres responsabilités envers la paix au Proche-Orient.