La venue du secrétaire d'Etat américain officialise la mise en application du plan de paix du quartette. Le voyage du chef de la diplomatie américaine au Proche-Orient a été précédé par un discours du président Bush, prononcé à l'université de Caroline du sud à Colombia, axé essentiellement sur le Moyen-Orient et la nouvelle donne induite par le «nouvel environnement stratégique» qui y est de mise, dixit Colin Powell. D'emblée, le président Bush dira: «M.Powell emporte avec lui mon engagement personnel: l'Amérique travaillera sans relâche pour arriver à créer deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en sécurité, prospérité et paix». Fort de cet engagement, M.Bush, tout en étant conciliant avec les Israéliens appelés à «alléger les souffrances des Palestiniens et à montrer du respect pour leur dignité», sera en revanche très ferme avec les Arabes indiquant «les pays arabes doivent combattre le terrorisme sous toutes ses formes et admettre et reconnaître l'évidence qui est qu'Israël a le droit d'exister en tant qu'Etat juif». Georges W.Bush, tout en déblayant le terrain pour Israël, feint en fait d'ignorer que des pays arabes entretiennent des relations diplomatiques avec Tel-Aviv, que l'ensemble des Etats de la Ligue arabe (22, y compris la Palestine) ont entériné le plan de paix, en onze points, présenté par le prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdelaziz. Plan qui, entre autres, reconnaît l'existence d'Israël entérinée lors du sommet de Beyrouth du 28 mars 2001. Cette offre de paix a été rejetée par le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon qui, en outre, comme un défi, procéda à la réoccupation des villes autonomes palestiniennes, (le 29 mars 2001) tout en isolant le président Yasser Arafat dans son réduit de la Moukataâ à Ramallah. C'est aussi Sharon qui rendit inopérants les accords d'Oslo après les avoir délestés de leur contenu et de leur raison d'être. Aujourd'hui, alors que les Palestiniens ont accepté, telle quelle, la «feuille de route» parrainée par le quartette (USA, UE, ONU, Russie), qui prévoit, entre autres, la création par étape de l'Etat palestinien à l'horizon 2005, ce sont encore les Israéliens qui réclament des «ajustements» au document voulant l'amender à leur convenance. Ainsi, le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, est revenu hier sur les amendements que réclame Tel-Aviv en déclarant: «Nous avons présenté des remarques (sur la feuille de route) et nous souhaitons qu'elles ne soient pas seulement entendues (par les Etats-Unis) mais qu'elles fassent l'objet d'une application». De fait, il faut relever que si Sharon accepte la «feuille de route» «dans son principe» ne l'a toujours pas approuvé formellement et surtout ne l'a pas présenté à son cabinet pour discussion et adoption. En fait, il est peu probable que le gouvernement israélien se prononce sur la «feuille de route» avant l'entrevu entre Sharon et le président Bush, prévue le 20 mai prochain à Washington. Alors que les Israéliens, comme à leurs habitudes, tergiversent à s'engager dans la promotion de la paix -les Palestiniens ont commencé la mise à exécution du document du quartette par la nomination d'un Premier ministre, Mahmoud Abbas Abou Mazen, investi, à le fin du mois d'avril dernier, par le Conseil législatif palestinien (CLP) -, ils en sont encore à réclamer à ce que les choses s'ajustent à leurs exigences et non à celles de la paix. Colin Powell a beau avertir, avant son départ pour le Proche-Orient, qu'il ne «voulait pas d'un nouveau cycle sans fin des négociations», il est patent que ce ne sont que des propos pour la galerie, sachant que les Israéliens ont toujours constitué le principal obstacle, les Israéliens ne comprenant les négociations avec les Palestiniens que comme une application de leurs exigences pour ne point dire qu'ils s'attendent à une reddition pure et simple des Palestiniens. De ce point de vue, le voyage de Colin Powell, durant lequel il évitera à nouveau le président Arafat, s'annonce ardu, et sa déclaration comme quoi «il est important que les deux parties se parlent et que nous n'entrions pas dans un nouveau cycle sans fin de discussions, de négociations», peut s'avérer un voeu pieux surtout si les Américains continuent à estimer que des pressions sur Israël sont «improductives». Cela d'autant plus que Sharon ne veut pas entendre parler de retrait de l'armée d'occupation israélienne des territoires palestiniens. Que faut-il dès lors négocier et quel genre «d'Etat» les Israéliens veulent pour les Palestinien? Des zones d'ombre à éclaircir et qui appellent vivement des réponses à hauteur de la situation de la part du principal parrain du processus de paix de la «feuille de route». Si, emboîtant le pas aux Israéliens, les Américains feignent d'ignorer le président Arafat, l'Union européenne - dont les représentants ne manquent jamais d'aller voir le vieux leader palestinien dans son réduit de Ramallah - estime que Yasser Arafat, président élu, doit être consulté et participer activement aux négociations de paix. Ainsi, c'est au tour du chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, de faire le détour par Ramallah, où il doit rencontrer le président Arafat. Notons, que les Palestiniens ont, par respect pour le président Yasser Arafat, transféré à Ariha, (Jéricho première ville autonome palestinienne), la rencontre, prévue aujourd'hui, entre le Premier ministre Abou Mazen et le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, de préférence à Ramallah, siège du gouvernement palestinien.