23 ans depuis le séisme d'El-Asnam, 23 ans et rien n'a été fait pour le respect des normes antisismiques dans le domaine de la construction. Pourtant la sonnette d'alarme a été plusieurs fois tirée par la nature elle-même, l'Algérie n'ayant été épargnée par aucun cataclysme. Ce n'est pas tel ou tel gouvernement qu'il faut incriminer pour n'avoir pas pris à temps les mesures appropriées, mais bien les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête de l'Exécutif depuis le 10 octobre 1980. Mais pas seulement. C'est également toute le chaîne des responsabilités qui, du simple agent jusqu'au sommet de la hiérarchie, ont eu à gérer, de près ou de loin, la délivrance des permis de construire ou le contrôle technique des constructions selon les normes universelles en vigueur. Tous ceux qui ont eu affaire à l'administration pour obtenir un permis de construire vous le confirmeront: c'est un véritable parcours du combattant, avec une administration tatillonne beaucoup plus soucieuse de chercher la petite bête et le petit détail insignifiant qu'à vérifier les normes antisismiques, vous ballottant de service en service, vous demandant de fournir des pièces et encore des pièces, de revenir une autre fois, de repasser le mois prochain, et ensuite l'autre mois prochain et ainsi de suite, jusqu'à vous donner envie de renoncer à votre projet. L'envie de ne plus en avoir envie. Pendant ce temps, des petits futés, usant de passe-droits et de subterfuges, obtiennent le fameux permis de construire en un rien de temps et érigent des constructions qui défient toutes les normes de l'urbanisme et de l'architecture. Quand l'irréparable survient, on s'en prend à la providence et à la fatalité ! Que faut-il en penser? Dans le sillage du séisme d'El-Asnam, un service de contrôle des constructions a été créé. C'est le CTC. Mais aujourd'hui le directeur du CTC déclare à un confrère: -Nous ne sommes ni une puissance publique ni une administration. Nous n'intervenons dans l'acte de construction que pour apporter une prestation technique dans le domaine du génie civil, et seulement quand nous sommes sollicités pour le faire. A ce titre, nous n'avons aucun pouvoir sur la gestion des risques ou des catastrophes.- Nous dirons, pour notre part, si ce n'est pas le CTC qui est censé s'occuper du respect des normes de constructions anti-sismiques, qui est donc chargé de le faire? Si un tel organisme n'existe pas, il faudra donc le créer. Plus que ça: il aurait fallu le créer il y a de cela 23 ans, juste au lendemain du séisme d'El-Asnam. Le CTC dit: je ne suis qu'un simple prestataire de service. Tout le reste n'est pas de mon ressort. On prend acte d'un tel aveu et on interpelle les autorités: dites-nous, messieurs dames, quel est l'organisme qui est chargé de veiller au respect des normes antisismiques et de les faire appliquer en utilisant les moyens de la puissance publique? Faut-il attendre d'autres tremblements de terre, d'autres cataclysmes, d'autres catastrophes et des milliers de morts et de sans-abri pour, enfin, songer à légiférer et créer les organismes qu'il faut? On semble nager dans l'opacité la plus totale. Comme toujours en Algérie, au lieu de prendre des mesures claires et énergiques, on se contente de proposer des demi-mesures qui, loin de répondre à l'urgence que requiert la situation, créent des imbroglios bureaucratiques dont ne profitent que ceux qui savent nager en eau trouble, mais pénalisent les citoyens qui souhaitent agir en toute transparence. Tout simple citoyen, qui a régulièrement acquis un terrain et désire construire une maison pour sa famille, vous le confirmera : dès qu'il s'adresse au CTC pour se prémunir contre les risques sismiques, il se heurte à un mur bureaucratique. Un tas de paperasses à remplir, des démarches harassantes, des exigences bureaucratiques qui finissent par le décourager. En fait, l'expérience montre que le CTC n'est pas une machine souple, avec des contrôleurs -voltigeurs-, disponibles, sillonnant les chantiers pour apporter leur expertise et leur connaissance, attirant l'attention des entrepreneurs sur la nature du sol, la qualité des matériaux utilisés et les malfaçons éventuelles. C'est ainsi qu'après le parcours du combattant imposé par les formalités du permis de construire, le citoyen s'aperçoit qu'il doit encore faire d'autres démarches et épuiser son énergie dans des formalités paperassières à l'infini, sans voir le bout du tunnel. Et pourtant, il y a, au chômage, tout un régiment d'architectes et d'ingénieurs en génie civil qui ne demandent qu'à rendre service et à mettre leurs connaissances au service du pays. Le salaire multiplié par mille de tous ces cadres serait infiniment moins important que le coût de ces séismes à répétition. En argent, mais aussi en vies humaines, en drame, en larmes. Que ces cadres soient enrôlés dans les structures du CTC, dans celles de la police urbaine de création récente ou dans tout autre organisme chargé par l'Etat de veiller à la solidité des constructions érigées, l'essentiel est qu'ils soient bien employés. Et enfin, et c'est le plus important, il importe de simplifier les procédures et les formalités. Il est urgent de mettre en place un guichet unique, comme pour l'investissement, à l'effet d'éviter à l'avenir les va-et-vient incessants et coûteux en argent et en perte de temps. Les allers-retours interminables entre les APC, les Duch, le CTC, et tutti quanti, c'est ce circuit qui est décourageant. Et qu'il faut raccourcir. Une bonne fois pour toutes.