Le tremblement de terre de mercredi dernier remet en question l'observance des normes de construction. Fatalité! Combien de fois ce mot n'a-t-il pas été prononcé chaque fois que les pouvoirs publics ont failli à leurs mission et responsabilités. Quand l'Etat, omniprésent par ailleurs, est absent quand le besoin se fait le plus sentir. L'Algérie, pays sismique par «excellence», où des tremblements de terre peuvent se produire à tout moment, ne semble toujours pas avoir induit ce paramètre dans les diverses constructions réalisées ces dernières années. En témoigne le séisme de Aïn Témouchent du 22 décembre 1999 qui est encore frais dans les mémoires. Pourtant, tout donne l'impression que l'Etat n'a pris aucune précaution pour prévenir de telles catastrophes. Et celle qui a meurtri, le 21 mai l'est d'Alger et la wilaya de Boumerdès, est de celles à s'inscrire dans les annales. Cela a été dit également quand un violent tremblement de terre secoua la ville d'El-Asnam et sa région le 10 octobre 1980. Pourtant à chaque séisme, les constructions - ou plutôt l'inconsistance et la faiblesse des constructions - ont, dans la majorité des cas, été la cause essentielle du nombre élevé des victimes. L'incompétence des constructeurs, le laxisme de l'administration, le diktat de la mafia du rond à béton, l'incohérence des services du contrôle technique de la construction ont concouru puissamment à cette catastrophe qui voit des immeubles de construction récente tomber comme des châteaux de cartes. Or, depuis le séisme qui a frappé les wilayas d'Alger et de Boumerdès, on ne fait que parler de fatalité. Comme si la fatalité a quelque chose à voir avec la conduite des hommes, avec leur manière de construire un immeuble ou une maison, avec l'arnaque et la corruption, véritables plaies de l'Algérie de ce troisième millénaire. Non, c'est par trop facile de tout mettre sur le dos du destin ou de s'en remettre à Dieu pour veiller à ce que les constructions soient faites dans les normes. Le laisser-aller et la permissivité ambiante ont fait que ceux, l'administration, c'est-à-dire l'Etat, dont la mission première est de tout mettre en oeuvre pour faire appliquer les lois du pays, sont aussi les premiers à les avoir violées et piétinées, par laxisme sans doute, par clientélisme certainement. Car, comment expliquer ces constructions sur des terrains agricoles, fragiles et non propices, et surtout non destinés à l'édification d'immeubles de plusieurs étages ; comment expliquer que les normes en vigueur en matière de construction, surtout les lois spécifiques édictées après le séisme d'El-Asnam, ne soient ni respectées et encore moins appliquées? A Boumerdès et à Alger, c'est avant tout la carence de l'administration (donc de l'Etat), qui est ainsi mise en exergue, qui n'a su ni prévoir ni prévenir et encore moins prendre les décisions en conformité avec la nature des terrains et veiller à l'exécution des lois et décrets inhérents à la construction parasismique. La catastrophe qui a fait que des immeubles de dix étages, et plus, se sont vus, subitement, sous la force de l'impact, compressés comme des millefeuilles, explique dans une large mesure le nombre effarant de victimes, lesquelles auraient survécu si le normes de construction avaient été ce qu'elles auraient dû être. L'image du Japon - frappé dimanche par une secousse de magnitude 7 sur l'échelle de Richter - qui en est juste quitte pour la peur, sans autre victimes notables, que le spectaculaire mouvement d'immeubles de 50 étages qui ont tangué comme des yo-yo, pour ensuite reprendre leur place, est outre éloquente et indicative du chemin que nous avons à parcourir pour rejoindre le rang des pays développés. Le Japon a su faire avec sa sismicité, parvenant même à la domestiquer, construisant des maisons et des immeubles en rapport avec la nature du terrain, quand l'Algérie confrontée depuis des décennies à ce même problème ne semble avoir rien accumulé de savoir pour réduire les dégâts matériels et humains induits par cette calamité naturelle. L'exemple du Japon est non seulement à méditer, mais surtout à suivre, car si une construction antisismique peu paraître chère, elle l'est nettement moins lorsque l'on songe aux vies humaines ainsi épargnées, sans parler de l'économie rapport avec les milliards que coûtera la reconstruction de villes en totalité ou partiellement détruites. Tirera-t-on enfin la leçon de ces catastrophes qui frappent cycliquement l'Algérie, ou va-t-on continuer comme si de rien n'était, le bricolage, les rapaces et le clientélisme faisant loi?